Un second souffle
Georges ne me questionne pas, le sourire de Patricia est significatif, je dois porter encore quelques stigmates.
Malgré la qualité des mets, mon appétit est en petite forme, les Mathieu avaient tenu à ce que nous prenions les deux voitures.
- Nous avons projeté une promenade vers Boisaumont, un peu d'air sylvestre fera du bien à notre futur bébé.
J'attendais la fin du repas sans savoir ce qui pourrait se produire; j'envisageais divers scénarios sans trop croire à celui que je désirais; j'avais bien raison d'être sceptique et je devais me rendre à l'évidence, Marie-Lou n'était pas encore prête à devenir ma maîtresse; un dernier baiser d'adieu, des promesses d'appels téléphoniques, des petits gestes d'au revoir et je me retrouvais seul.
Patricia et Georges paraissaient un peu déçus, se doutant que rien de probant ne s'était passé.
- Tu peux rester quelques jours supplémentaires, c'est un plaisir pour nous.
Je refais ma petite valise et quitte Hauréville, regret, amertume, espoir, je ne sais que penser, ces sentiments se succèdent.
Trois jours à la maison et j'ai envie d'appeler... non demain... je vais paraître ridicule...La nuit tombe vite, la soirée est bien longue; je prends le combiné et compose le numéro... je crois que ma correspondante n'était pas loin du téléphone, elle répond immédiatement... comme moi elle s'ennuie.
- Et si je revenais à Hauréville dès demain?
- Ce serait bien une bonne idée, j’ai quelques petits travaux à te confier...non, je plaisante...reviens, il faut beau.
Le message est enregistré, à peine ai-je raccroché, après quelques mots ponctué de silences éloquents, que je ressors ma valise; je téléphone à l’hôtel de la Vallée, la dame qui me répond a une voix jeune et un peu chantante; je lui demande si la chambre 6 est disponible.
- La 6? sans problème, vous êtes un client habituel de notre établissement je suppose.
Je n'entre pas dans les détails.
Je préviens les Mathieu; Georges veut à nouveau m'héberger.
- Non, ma présence donnerait du travail à Patricia, j'ai déjà retenu une chambre à l’hôtel.
Je lui demande des nouvelles de son épouse.
- Tout se passe bien, les examens sont positifs, ton filleul ou ta filleule prépare son entrée ou sa sortie, comme tu veux, dans les meilleures conditions, nous refusons de connaître le sexe à l'avance... je me doutais que vous n’alliez pas tenir bien longtemps, j'ai vu Marie-Louise ce matin, elle me paraissait particulièrement nerveuse, ne perdez pas de temps, vivez ensemble.
Cette deuxième quinzaine de novembre est particulièrement douce et agréable, comme pour m'accueillir, le soleil perce les nuages dès mon arrivée à Hauréville; j’entre dans le parking privé de l’hôtel de la Vallée et je constate déjà des améliorations; un macadam nouveau recouvre le sol, les lignes blanches sont tracées de frais.
L’hôtesse me tend la clé en me regardant d'un air interrogateur; il est vrai que je me sens un peu comme chez moi.
- Vous prendrez vos repas chez nous?
- Peut-être pas tous, j'ai quelques amis dans ce village et j’espère être invité de temps en temps à leur table.
- Vous m'avez dit que votre séjour pourrait dépasser la semaine?
- C'est exact, cela vous pose des problèmes?
- Nous envisageons de faire effectuer des travaux dans les chambres, nous commencerons par le deuxième étage, le seul ennui serait les passages des ouvriers dans la journée.
- Je n’ai pas l’intention de rester enfermé dans ma chambre en plein jour.
L'impression que le parfum de Simone flotte encore dans les couloirs; je retrouve la chambre 6 comme je l'avais quittée mais je sais que personne ne viendra plus gratter à ma porte.
Je n'ose aller voir Marie-Lou sans la prévenir; elle m'attend, m'avertit qu'elle a prévu me retenir pour le repas et la soirée.
- Surtout pas de complications pour le dîner, le soir j'ai l'habitude de manger léger.
Avant de monter à la maison de Marie-Lou, je passe voir la couple Mathieu.
Georges me souhaite bonne chance à sa manière.
- Je ne te dis pas le mot, je le pense, autant la fois précédente je te demandais d'être prudent, autant je te dirais de ne plus tergiverser, le fruit est mur, tu n’a plus qu’à le cueillir.
Nous avons l'impression d'avoir été séparés de long mois, le repas attendra, cette fois c'est la chambre à coucher qui ouvre sa porte.
- Tu es le premier homme à entrer dans cette pièce.
L'impression s'est modifiée, c'est comme si nous avions toujours vécu ensemble, comme si nous nous connaissions intimement depuis longtemps; nous vivons des moments d'intense bonheur qui appellent une suite; les projets, les décisions, les réalisations s'enchaînent sans à-coups, je vais, j'espère terminer ma vie à Hauréville, auprès d'une femme que j'aime et qui m'aime, une femme dont j'avais rencontré le fantôme un jour d'orage.
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