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Un second souffle

Gisèle est désabusée.

- Je crois que finalement je vais me résoudre à fermer cette buvette, je continuais surtout parce que cela me permettait de voir encore du monde, de bavarder un peu mais les jeunes ne sont pas marrants, ce sont des tristes; c'est vrai que nous leur laissons un drôle de monde, un monde où le fric est roi; après on s'étonne qu'ils fassent des conneries.

Je fais un crochet par la ferme Lenoir.

- Monsieur Demoulin vous tombez à pic, je voulais vous inviter à déjeuner ce prochain dimanche, restez deux jours de plus, faites-nous ce plaisir, ma fille et son fiancé seront présents, les futurs beaux-parents et... Marie-Lou, elle rentre samedi soir.

Yvette a touché une corde sensible, si Marie-Louise Dubois est présente, je peux différer mon départ.

Je suis tout émoustillé à la pensée de revoir la jolie veuve; de jour en jour, son image s'est superposée à celle de Capucine.

Madame Lenoir a mis les petits plats dans les grands, la moisson devait être bonne cette année; je fais connaissance avec Sylvaine Lenoir, jeune fille charmante encore lycéenne la dernière année scolaire; son fiancé vient d'effectuer son service militaire après avoir fait des études d'agronomie, il a eu la chance de trouver un job aux services départementaux de l'agriculture.

- La meilleure place, je reste dans un domaine que je connais bien, où j'ai toujours baigné,  un milieu que j'aime, sans être obligé  de supporter tous les aléas d'une profession de plus en plus difficile.

Les parents du jeune homme approuvent.

Ma présence sert de faire-valoir à la famille Lenoir, celle de Marie-Lou aussi, c’est évident.

Je me dois de donner la réplique à tout le monde, ce qui me prive d'une conversation que j'aurais voulu plus confidentielle avec ma voisine; nous avons déjà adopté nos prénoms réciproques.

Le beau temps nous permet de prendre le café à l'extérieur, sur une sorte de terrasse aménagée à l’arrière de la ferme; un cadre bucolique qu'un peintre pourrait immortaliser sur une toile.

Je m'extasie devant la beauté de ce paysage non déformé par le modernisme, pas même un poteau électrique dans le décor.

- Que diriez-vous depuis le jardin de Marie-Lou, elle a une vue splendide sur la vallée, les vergers, les collines, sa maison est la mieux situé d' Hauréville.

- C'est vrai que je vis dans un décor agréable, qui change à chaque saison, après de longues années passées dans la région parisienne, j'avais besoin de calme et de sérénité... maintenant, avec la disparition de papa, je ne pourrai plus partager ce bonheur tranquille.

Sans connaître tout de la propriété de Marie-Lou, je l'imagine et je pense que j'aimerais  y vivre, surtout aux côtés de la propriétaire que je trouve de plus en plus charmante et attirante; au fil du temps passé, des paroles échangées, je sens qu'elle aussi apprécie ma présence; ses regards empreints de douceur, sa voix mélodieuse, ses gestes élégants, tout  cet ensemble me séduit; et son corps, son visage.

Je cherche une solution afin de prolonger cette après-midi très sympathique, le jeune couple vient de nous quitter, les futurs beaux-parents sont sur le point de partir, le travail quotidien de la ferme ne peut attendre.

- Chaque jour, dimanches et fêtes, il faut traire les vaches, les nourrir, que voulez-vous.

Comme les Lenoir vont être confrontés aux mêmes obligations, le moment de la séparation arrive; je salue Marie-Louise, la poignée de mains s'éternise, nous nous promettons de nous revoir sans trop y croire.

Je suis arrivé peine à l’hôtel que je regrette de ne pas avoir trouvé un moyen pour rester  quelques temps encore avec Marie-Lou; difficile, je ne pouvais tout de même pas lui proposer de la raccompagner, elle avait sa voiture; lui demander de monter chez elle pour admirer le panorama? un peu léger comme motif, et déplacé; madame Verlier n'a pas tort, je me comporte comme un gamin, il me faut modérer mes pulsions, réfréner mes envies,  je reviendrai à Hauréville et bientôt j’espère, je trouverai une bonne raison.

Je signale mon départ à la gendarmerie comme l’adjudant me m’avait demandé.

- Rien de nouveau, il faut attendre que ça se décante un peu, nous sommes patients et attentifs.

Simone paraît résignée.

- Nous avons passé des soirées inoubliables, pour moi du moins, c'était un peu les vacances d'été que  je n'ai jamais eues, c'est la fin de notre histoire, une histoire toute simple, probable qu'il n'y aura aucune suite, que tu ne reviendras plus dans notre village avant que nous ayons quitté le métier; si nous avons un acheteur, nous n'hésiterons pas, attendre encore quelques années serait risqué, la valeur de nos petits hôtels baisse de jour en jour, et puis André est fatigué.

 



25/12/2012
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