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Le grand verger (suite)

Béatrice, toute à son rôle de mère, a abandonné le deuxième étage de la tour, elle a repris ses petites affaires et m'a confié la clé.

- Je te laisse les meubles,  je pense que le sofa te sera utile.

 

Le décor de l'ancienne gare, je le connais, les modifications apportées sont timides et je retrouve le site pratiquement tel que je le fréquentais en sortant de l'école. Au grand dam de ma mère, je me laissais entraîner par mes petits camarades sur ce terrain de jeu improvisé et dangereux. Des carcasses de wagons gisaient un peu partout, nous grimpions sur les piles de roues et de boggies qui régulièrement s'effondraient et coinçaient des jambes et des pieds, nous marchions sur les madriers pourris protégeant des cuves remplies d'un liquide visqueux et nauséabond, un wagon de voyageurs encore en état servait d'abri en cas de pluie et aussi de cachette pour tirer les premières bouffées de cigarettes américaines. Les plus grands nous évinçaient pour s'adonner à des pratiques interdites par monsieur le curé, de temps en temps une ou deux filles se joignaient à eux et notre curiosité était sévèrement punie, à tour de rôle, des guetteurs habiles nous attendaient avec des lance-pierres.

Monsieur Durieux arpente les anciens quais de long en large, me situant les différents emplacements des machines et du matériel.

- Le parc à grumes sera délimité par le talus, moins de risque d'éboulement, la halle encore debout verra sa toiture remaniée, elle abritera les bois de qualité comme les merisiers, les frênes et les érables. Les bureaux seront installés dans l'ancienne salle d'attente, l'affûtage dans les garages.

- Et vous envisager de scier votre première grume à quelle époque?

- Le premier mai...enfin le lundi trois.

- Combien d'ouvriers?

- A la scierie même, une quinzaine dans un premier temps, deux ou trois personnes au bureau, très important le travail administratif et commercial, c'est quelques fois dans ces services que les bénéfices se dégagent. Ensuite une dizaine au transport, débardage et exploitation que nous assurerons en partie.

Je me prends au jeu, nous parlons de débouchés nationaux et internationaux.

- L'Allemagne se remet en marche, vous connaissez nos voisins, ils mettent autant d'ardeur à construire qu'à détruire, le problème, il faut savoir parler la langue des acheteurs, c'est un règle que les Français ignorent trop souvent...vous avez appris l'allemand je crois?

- Oui, mais  je parle mieux l'Anglais.

- Personnellement je suis peu doué pour les langues étrangères, j'ai passé quatre ans en Germanie et je n'ai retenu que quelques mots-clés, nous étions dans un camp totalement isolé des agglomérations, nous travaillions dans une usine souterraine...Hélène vous a empoisonné ce matin, elle est folle de moto, elle voudrait acheter l'un de ces engins pétaradants, pour une jeune fille c'est un peu déplacé qu'en pensez-vous?

Cher monsieur Durieux, votre nièce obtiendra ce qu'elle désire, j'en suis convaincu, quant à m'avoir empoisonné!

- Nous pourrions nous tutoyer, tu es d'accord?

J'accepte mais je vois d'ici les  yeux globuleux de Charles s'exorbiter encore plus que d'habitude.

 

 

Je digère mal le coup du solitaire, je n'ose effleurer un tel sujet avec maman, Béatrice que je sollicite élude mes questions, quant à tante Alice elle fait la sourde oreille, ces femmes ont un peu honte de leur façon d'agir.

Mon opinion est faite, mon aïeul avait offert ce diamant à ma mère.

 

Hélène Durieux est folle de moto, elle est folle de la tour qu'elle trouve hantée par des mystères ce qui augmente encore ses ardeurs. Ce qui est certain c'est qu'elle n'est pas folle de moi et elle me le dit.

- Tu es sympa mais franchement aucune envie de vivre avec toi du matin au soir, à la rigueur du soir au matin.

Les manèges se remarquent, ma mère me fait quelques reproches pour la forme.

- Tu es un peu jeune pour recevoir des jeunes filles chez toi, j'espère que vous êtes sérieux au moins.

Béatrice se doute que nos haltes dans le donjon et particulièrement au deuxième sont destinées à autre chose qu'a de la saine lecture.

- Remercie-moi, je suis la fondatrice de ta garçonnière, tu pourrais mettre une plaque à mon nom sur la porte.

Tante Alice se projette dans l'avenir.

- Un mariage en vue, les Montcy et les Durieux ne seraient plus seulement des associés.

Charles extrapole aussi.

- Ce serait une excellente chose, notre famille reprendrait quelques prérogatives.

Connaissant Hélène comme je viens de la découvrir, je suis loin de suivre les élucubrations familiales, cette demoiselle n'est pas faite pour le mariage et moi je n'ai aucune envie d'être dominé.

 



10/01/2011
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