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Un second souffle

Les jours passent et j'envisage de quitter mes souvenirs de jeunesse, je  renonce à revoir Capucine; pourtant sa présence dans mon esprit ne s'estompe pas, au contraire, je reviens rôder à Boisaumont, plusieurs fois, j'ai presque envie de rendre visite à Adèle, je passe devant la propriété, guettant dans la cour l'apparition éventuelle de la maîtresse de maison mais en vain; je suis passé saluer Nadia, son mari était présent, il est en maladie, toujours aussi grognon ce monsieur, je comprends mieux les envies de changer d'air de sa compagne.

 

Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, j’avais entendu un claquement sec et ressenti instantanément une douleur à la hanche gauche, j’avais même l’impression que la douleur avait précédé le bruit. Je devais me rendre à l’évidence, je venais d’être victime d’un coup de fusil. Le sang rougissait un côté de mon pantalon ; épongeant l’endroit touché avec mon mouchoir je constatais une simple égratignure. Mu par un réflexe, j’avais bondi derrière un muret et je n’osais plus bouger, craignant que le tireur me réserve une seconde balle.

Presque chaque jour je passais par ce chemin bordé de jardins, il faisait partie de mon itinéraire qui m’amenait jusqu’au pont, c’était un endroit agréable, abrité du vent, embaumé de senteurs champêtres. Mon agresseur connaissait cette habitude...mais pourquoi me tirer dessus ?

Il fallait que je rentre à l’hôtel, que je retrouve mon infirmière particulière, le sang ne coulait presque plus mais j’avais mal. Plus aucun bruit à part le chant des oiseaux qui, un moment interrompu reprenait de plus belle. Je longeais le muret en courbant la tête, passant à travers les jardins pour rejoindre l’arrière de l’hôtel, dans ma précipitation je bousculais quelques salades, les jardiniers allaient rouspéter.

- Mon Dieu, j’appelle la gendarmerie tout de suite...qui pourrait t’en vouloir à ce point ?

Simone était affolée, elle ne feignait pas son émoi.

- Tu te rends compte...un coup de fusil.

Les gendarmes n’avaient pas traîné.

- Ce n’est pourtant pas la saison, la chasse est fermée.

L’adjudant plaisantait, mais d’après lui ce n’était pas un accident.

- Nous avons l’habitude, les chasseurs ne tirent jamais au hasard ici.

- Un jeune tirant sur les oiseaux ?

- Avec une carabine ? je vous défie de me trouver une seule carabine de ce genre ici, et puis l’impact, une 22 long rifle aurait provoqué un léger hématome, à moins d’être à bout portant, non, le type avait un fusil de chasse.

- Un fou .

- En quelque sorte... question habituelle, aviez-vous reçu des menaces ?

- Aucune.

- Soyez franc, deux raisons principales pour servir de cible, une femme ou l’argent, cette seconde raison étant celle qui prend le plus d’ampleur.

Difficile de tout raconter à un militaire, je parlais tout d’abord de mes recherches.

- M’étonnerait qu’une vieille histoire de ce genre provoque une telle réaction, si je comprends bien, les protagonistes sont hors circuit, les descendants se moquent bien de leur honneur, non, il faut chercher dans une autre direction... la jalousie...je sais, c’est délicat d’aborder le sujet...j’ai envoyé deux hommes dans le village, je suis certain qu’ils vont revenir avec des informations vous concernant, vous n’avez pas bavardé avec beaucoup d’indigènes et pourtant tous ou presque connaissent vos faits et gestes depuis votre arrivée...la semaine dernière, nous enquêtions sur un vol de bétail dans un pré, votre nom a été prononcé, un paysan vous avait aperçu rôder à côté d’un troupeau...

- J’ai traversé un pré pour me mettre à l’abri.

- Je vous crois, mais voyez la mentalité, ce sont toujours les étrangers qui sont coupables, ces ruraux se chamaillent sans arrêt mais quand le danger est dans la maison, ils font bloc contre l’extérieur...vous n’avez pas acheté une chasse dans le secteur ?

- Je ne suis pas chasseur.

- Voilà un beau motif pour flinguer un individu, les accidents de chasse sont parfois suspects, mais allez prouver qu’un coup de feu n’est pas parti  accidentellement.

Je fais ma déposition, nous allons sur les lieux de l’incident.

- Facile de se planquer dans  les vergers et les jardins, regardez-moi tous ces cabanons...vous avez entendu claquer l’arme dans votre dos, vous dîtes ?

Je répète sans cesse la même chose, je me positionne sur le chemin mais je suis incapable de dire si je marchais ou si j’étais arrêté, si je regardais à droite ou à gauche.

- Je vous tiens au courant mais un conseil, éviter d’emprunter ce sentier.

- Vous pensez que je cours encore des risques ?

- M’étonnerait que le tireur récidive mais tout de même soyez prudent, et si vous avez soudainement des soupçons, appelez-moi...

 

Je n’avais pas revu les gendarmes et madame Verlier s’était inquiété de ma santé.

- Pourquoi quelqu’un voudrait te supprimer, c’était un accident ou une...erreur.

Le couple Mathieu avait de nouveau quitté l’hôtel, et nous ne pensions plus nous revoir. Avant de partir, Georges avait voulu faire une petite enquête concernant le coup de fusil, il s’était heurté à un mutisme général.

- C’est dingue ces paysans, les mêmes que dans les rizières ou dans le djebel, tu as été victime d’une hallucination...bon, j’espère que tu reviendras  à Hauréville, quand nous serons dans nos meubles, nous t’inviterons, pour la pendaison de la crémaillère, laisse-moi ton adresse.

Patricia n’avait pas eu l’occasion de me rejouer la scène du salon, je le regrettais car j’avais pris la décision de ne pas rester de marbre et de tenter ma chance...

 

 

 

 

 

 

 



06/12/2012
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