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Un second souffle

Madame Verlier est surprise de mon insistance, je veux absolument savoir ce qui s'est passé avec la demoiselle Fontaine.

- Tu me rappelles ton grand-père, têtu comme pas un, demande à Margot, elle le connaissait bien...où as-tu récolté tous ces ragots, ce sont de vieilles histoires qu'il vaut mieux oublier mon garçon, à quoi la vérité te sera utile à présent? d'ailleurs la vérité je ne la connais que partiellement, personne ne la connaît réellement à part les ... participants, et encore ils devaient être ivres et inconscients... la pauvre Cécile était une proie facile pour des hommes sans moralité...comme ils le sont tous quand ça leur prend...

- Mais elle n'était pas surveillée?

- Tu sais dans nos campagnes, à cette époque, c'était difficile, elle n’était pas considérée comme folle... naturellement qu'elle était protégée, Adèle restait le plus souvent possible avec elle, mais Cécile était rusée, elle faisait des fugues, il suffisait qu’elle fasse une mauvaise rencontre au cours de ses escapades, ce fut le cas au moins une fois puisque la pauvre s’est retrouvée enceinte.

- Quel âge a exactement Capucine?

- Cela te tracasse, je te comprends, elle a fêté ses quarante ans récemment...tu penses à ton père n'est-ce-pas?... tes craintes sont justifiées... il pouvait effectivement être dans ce sale coup?

- Quel sale coup?

- Tu m'embêtes Vincent, si j'avais su je ne t'aurais rien dit.

- J'ai tout de même le droit de savoir puisque vous m’informez que mon père pourrait être impliqué dans une lamentable affaire que je n’ose deviner ?

- Cécile était enceinte mais elle avait réussi à cacher son état pendant les premiers mois de sa grossesse, elle avait compris ce qui lui arrivait, une preuve qu’elle n’était pas réellement folle, quand les Fontaine ont découvert son état, il était trop tard pour interrompre cette grossesse, le vieux était furieux, il menaçait de descendre les auteurs de cette infamie.

- Les auteurs, ils étaient donc plusieurs?

- Cécile avait dévoilé certains faits, lors d'une fugue, elle avait été  en forêt, près du chalet qui servait d’abri aux chasseurs, ils s'y trouvaient ce jour-là, paraît qu'ils étaient six,  ce qui s'est passé tu le devines aisément, ces sauvages ont profité de cette  aubaine; peut-être pas les six, ce serait ignoble.

- Mon père faisait partie de ce groupe de chasseurs.

- Oui, mais je te répète, il est possible qu'il n'ait pas participé à la curée, ils ont tous nié, solidarité masculine.

J'ai bien du mal à imaginer mon paternel agir aussi sauvagement, lui, un homme tranquille, réfléchissant toujours avant de prendre des décisions, et il ne buvait que très peu d’alcool, jamais je ne l’ai vu ivre, agresser une femme sans défense... enfin qui sait? et les insinuations de la belle Gisèle le concernant.

- Je n'ai jamais entendu parler d’une telle histoire.

- Vous aviez quitté le village quand ce scandale a éclaté; et puis la tension est vite retombée, les Fontaine avait une gamine sur les bras, ils ont assumé; finalement, le père Fontaine y a trouvé son compte, Adèle son aînée ne risquait pas de lui donner une descendance, elle avait eu un grave accident dans sa jeunesse et une opération mutilante, et puis il faut bien l’avouer la disparition de Cécile mettait fin a une situation délicate... quand à savoir qui est le père, c’est un mystère.

- Mais Cécile a peut-être dévoilé à ses proches le ou les noms des individus responsables?

- La pauvre fille était plus ou moins crédible, les six chasseurs ont été soupçonnés en bloc.

Je comprends la réaction de Capucine, sa tante ou ses grands-parents lui ont communiqué la liste des chasseurs présents dans le chalet, le nom de Demoulin figure au générique, qui sont les autres? vivent-ils encore? Je veux aller plus loin, en savoir plus, je veux absolument innocenter mon père, il me faut connaître la vérité, je ne veux pas passer pour  le fils d'un violeur aux yeux de celle qui hante mes pensées.

- Quels étaient les autres?

- S'il te plaît Vincent, n'insiste plus, je t'ai donné suffisamment d'explications, d'ailleurs bon nombre sont disparus.

- Donc, il en reste, qui?

Madame Verlier transpire à grosses gouttes, elle pince les lèvres, ce n'est pas aujourd'hui que je réussirai à lui extirper des noms, elle m’a déjà donné beaucoup de renseignements...têtu, oui je le suis...je dois tout savoir à présent, aller jusqu’au bout, tant pis si je découvre le pire.

Je change un peu de registre, lui demande des précisions sur Capucine, sur sa vie.

- Jeune, sa tante me l'amenait pour couper les pointes de ses magnifiques cheveux blonds, quand tu as parlé du grain de beauté sous l'oreille, tu penses bien que j'ai tout de suite fait le rapprochement, d'où ma gêne; plus grande elle avait été placée en pension, ne passant que les vacances scolaires à Boisaumont; ensuite, j'ai appris qu'elle s'était mariée, c'est tout, coïncidence la rencontre que tu m'as racontée, elle est rarement dans notre région.

Une coïncidence? plutôt un signe du destin, l'orage,  l'arc-en-ciel, je  reste à Hauréville tant que cette affaire n'est pas élucidée, j'ai tout mon temps.

Il me vient des idées folles, demander une entrevue avec Adèle Fontaine, accepterait-elle de me rencontrer ?

Je tente ma chance, où sont les risques, je téléphone et je suis rapidement fixé,  dès que j'ai prononcé mon nom, j'ai reçu une fin de non recevoir polie mais ferme.

Simone Lavigne est ravie de la prolongation annoncée.

- Ne crois surtout pas que c'est par intérêt, un client de plus ou de moins; j'aime ta présence, pour plusieurs raisons; celle que tu imagines bien entendu mais aussi parce que tu as été le seul à partager mon malheur, je n'ai pas osé en parler à André et puis, le fait  d'avoir une chambre et une table occupées en permanence c'est rassurant, j'ai horreur des  jours totalement creux et cela se serait produit à  plusieurs reprises depuis ton arrivée.

Je suis tout de même étonné de la grande liberté dont jouit Simone, je me demande si son mari est réellement dupe, je sais que les cocus sont plus aveugles que les amoureux  mais j'ai l'impression qu'il ferme les yeux volontairement; lui aussi semble heureux de ma constance et me gratifie de sourires béats.

- Ton fameux copain a finalement acheté la grosse maison, c’est ce qui se raconte, il en paye peut-être une partie grâce à mon magot.

- Ne soit pas mauvaise langue Simone, il a une retraite confortable, il a les moyens de se payer une telle demeure.

- Si tu es encore chez nous lorsqu'il s'installera, il voudra probablement t'inviter, essaye de le cuisiner un peu.

- Je ne suis pas policier, moi.... enfin, si je peux t'aider.



25/10/2012
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