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-Tu es par là Nadia?

- Par ici madame Félix, je suis derrière.

Une dame sans âge nous rejoint.

- J'ai vu une voiture, je croyais que c'était le docteur, peur que vous ayez un malade.

Menteuse, curieuse.

- Vous n'êtes point d'ici vous?

La vieille  va me seriner, que faire? d'un autre côté, elle est peut être une excellente informatrice; si elle est bavarde comme je le subodore, elle va me donner des compléments d'information sur Capucine.

Cette arrivée inopinée n'a pas l'heur de plaire à Nadia, alors, réellement, envisageait-elle de faire autre chose que de discuter gentiment?

- Ce monsieur est né à Hauréville, Demoulin, ce nom vous dit quelque chose madame Félix?

- Demoulin, votre grand-père s'appelait Camille?

Non, mémé tu te trompes de tête, tu remontes l'histoire un peu loin, Camille avait plusieurs moulins.

- Paul.

- Ah oui Paul, mais bien sûr, il a été élu maire d'Hauréville à la libération, un pète-sec; et votre père, où est-il?

- Décédé.

- Ah le pauvre, il avait mon âge, j'ai été à la petite école avec lui, j'habitais au village quand  j'étais écolière, juste au bout de la rue des Saules, vous voyez la petite maison qui se trouve avant le pont, tu es donc son fils, tu t’appelles Roger il me semble.

 Encore tout faux, moi c'est Vincent, Roger c'était mon paternel.

- Mais oui Roger, Roger Demoulin, un beau gars que c’était, je le revoyais de temps en temps ici même, il venait à la chasse dans les bois voisins, avec son équipe de fêtards, des gaillards qui buvaient plus qu’ils ne chassaient.

Concernant la chasse, la vieille n’a pas tort, papa était chasseur, comme presque tous les hommes du village mais il me semble qu’il ne chassait pas chaque dimanche d’hiver.

- Monsieur Demoulin me parlait des Fontaine, il a rencontré Capucine, elle n'est plus à Boisaumont n'est-ce-pas?

- Non, elle est venue passer quelques jours chez Adèle, des signatures chez le notaire, elles vendent des bois à la commune, trop difficile à gérer pour des femmes, vous l'avez rencontrée?... très gentille Capucine, sa tante voudrait bien qu'elle vienne  plus souvent à Boisaumont, qu'elle reste plus longtemps, vous pensez s'enterrer dans notre hameau, elle habite à côté de Paris, dans les "z'Hauts de Seine", elle est professeur dans un grand lycée,  c'est quelqu'un.

- Est-elle mariée?

- Mariée? elle l'a été, veuve depuis plus de dix ans, son mari était dans la marine, officier... je crois qu'elle a un ami, comme on dit maintenant, un professeur du même lycée.

Cette information me peine, pas libre la belle Capucine, je ferais bien de l'oublier, reste que je voudrais comprendre les raisons de  son aversion pour les Demoulin, la mère Félix sait peut-être quelque chose à ce sujet?

- Sa maman est morte en accouchant paraît-il?

- Oui la pauvre fille, il valait peut-être mieux ainsi, Cécile n'était pas normale figurez-vous, pas vraiment folle, simplette quoi, elle se laissait faire par les tous les hommes, faut dire qu'elle était portée sur la chose comme c'est souvent le cas de ce genre de fille, vous pensez bien que les salauds en profitaient, et puis, en plus elle était jolie, bien faite... on a jamais su qui était le père de la gamine, le père Fontaine et Adèle n'ont jamais cherché à le savoir, je vous dis n'importe bonhomme de Boisaumont ou d'Hauréville pouvait l’être, des jeunes et des moins jeunes, les chasseurs par exemple, il s’en passait des drôles dans leur chalet, il n’y avait pas que la bouteille.

Je commence à cogiter, et si mon père avait fait partie de ces mêmes profiteurs, et si la tante de Capucine en avait parlé, avait parlé d’un Demoulin? d'où l’explication de  peur panique qui s'est emparé de la cycliste; cette idée me taraude, et si pire que cela? si Capucine était?... affolant, je ne pensais jamais déboucher sur une telle histoire, cette fois je ne quitterai pas le village, la région sans en savoir plus, j'imagine que cet événement a dû laisser des traces, il me faut d'autres renseignements, la mère Félix est-elle capable de se souvenir des dates exactes, c'est capital.

- En quelle année est née Capucine?

- Elle vient d'avoir quarante-et-un ans ou trente-huit, je ne sais plus trop.

C'est bien ma veine, quarante-et-un, elle pourrait être la fille de mon père, trente-huit, nous avions quitté le village deux ans avant.

Je quitte le hameau en me posant cette importante question.

- Revenez quand vous voulez, nous n'avons que rarement l'occasion de bavarder avec des gens intéressants, vous serez toujours le bienvenu.

La jeune femme m’accompagne jusqu'à la voiture.

- Faut pas écouter tout ce que raconte la vieille, elle ferait se battre des montagnes, ces racontars sur la sœur d’Adèle, elle exagère...toujours a épier...elle savait que ce n’était pas le docteur, elle connaît sa voiture...j’aimerais vous revoir.