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Je suis guidé par une force mystérieuse, je reviens à Boisaumont,  passe devant la maison de la jeune femme aux yeux discordants,  entrevois sa longue silhouette dans l'embrasure d'une porte, je descend la petite côte et fais demi-tour devant la cour de la propriété  Fontaine, grand-père avait des contacts avec cette famille, les souvenirs me reviennent,  des contacts avec le père Fontaine en particulier, pour des affaires d'arbres, j'avais suivi les deux hommes en forêt, je devais avoir une dizaine d'années, l'exploitant forestier était un grand gaillard impressionnant, il marchait à grandes enjambées au milieu des ronces, je le prenais pour le géant aux bottes de sept lieues, la  propriétaire actuelle doit être la fille; Adèle, ce prénom ne m'est pas vraiment inconnu, je l'associe au nom de Fontaine effectivement. Des images sortent de l'ombre, du plus profond de ma mémoire, confuses, j'arrive difficilement à les démêler, à les remettre en ordre,  la seule certitude, c'est que je suis déjà entré cette grande maison blanche à colombages... des têtes de cerfs et de sangliers étaient accrochées aux murs d'une grande salle, ces têtes m'avaient fascinés, je les croyais vivantes, craignant qu'à chaque instant elles se décrochent et bondissent sur le carrelage... je ne vois plus les personnages qui m'entouraient ce jour-là... je me trompe peut-être, possible que ce décor était ailleurs, que je confond.

La dame rencontrée dans les bois guettait mon retour, elle prend un air détaché lorsque je descends de voiture et que je me dirige vers elle.

- Ah! le monsieur de l'autre jour, excusez-moi, je ne me souviens plus de votre nom.

- Vincent Demoulin.

- Moi c'est Nadia... il fait chaud aujourd’hui, je peux vous offrir un rafraîchissement, venez donc par derrière.

Nous contournons la fermette et débouchons dans une cour pavée entourée d'une haie d'ifs.

- Asseyez-vous monsieur Demoulin, que voulez-vous boire?

J'accepte un panaché.

- Voyez, nous sommes tranquilles ici.

- Vos enfants sont absents?

- Ils sont chez mes beaux-parents, pendant les vacances ils préfèrent La Valade, ils ont des petits copains de jeux au moins, ici ils sont seuls, plus d'autres gosses dans ce hameau, ce n'est pas moi qui vais les chercher aujourd'hui, mon mari passera les prendre en rentrant de son travail.

- Votre voiture est réparée?

- Une bricole, Michel en faisait toute une maladie, c'était bien un tuyau percé, vous aviez fait un bon pronostic, une branche qui s'est accrochée sous le châssis, c'est l'orage qui est responsable, je passe régulièrement à cet endroit, c'est la première fois qu'une telle chose m'arrive.

Nadia me sert à boire, elle n'emploie pas un déodorant longue durée, elle pue la sueur, odeur désagréable qui suffit à contrarier toutes mes envies; elle ferait bien de prendre des leçons auprès de la belle Gisèle, elle sentait bon la tenancière et son parfum était excitant.

- J'ai demandé à mon mari pour les Fontaine, la dame dont vous parliez, c'est la nièce de mademoiselle Adèle, elle était venue pour une semaine à Boisaumont, elle habite dans la région parisienne, paraît qu'elle est professeur de français.

- Elle n'est plus ici?

- Non... mais pourquoi demandez-vous après elle?

C'est mon affaire, aucune envie de déballer mes états d'âme.

- Par curiosité, j'avais eu l'occasion de la  rencontrer, je savais qu'elle venait de Boisaumont, c'est tout.

Pas folle la guêpe, elle me regarde d'un air entendu.

- Je l'ai aperçue, c'est une jolie femme, toujours bien habillée, vous pensez  une parisienne.

Encore une qui se figure que les parisiennes ont l'exclusivité de l'élégance, mes nombreuses balades en France m'ont appris que les provinciales n'ont rien à envier aux femmes de la capitale, au contraire, j'ai croisé plus de femmes mal fringuées dans les rues de Paris que dans celles de Strasbourg ou de Toulouse.

- Michel vous en parlerait mieux que moi, quand  il était gamin, elle venait passer une  bonne partie de ses vacances dans notre hameau.

- Vous dites nièce d'Adèle?

- Oui, mademoiselle Adèle avait une sœur, plus jeune, elle est morte en accouchant de Capucine.

Et bien voilà, tout doucement j'assemble le puzzle,  j'ai le prénom maintenant, Capucine, assez plaisant, très plaisant même.

- Elle est mariée?

- Qui Capucine? c'est bien possible, Michel n'en sait rien, nous ne l'avons jamais vue avec un homme,  vous savez les Fontaine sont  des gens discrets, cette famille a connu bien des malheurs.

- Des malheurs, quels genres?

- Ben déjà une fille enceinte alors qu'elle n'était pas mariée, vous pensez, dans les années cinquante, c'était mal vu, ensuite elle est morte en couches, puis le père Fontaine s'est suicidé, il s’est pendu à un arbre.

Nadia voudrait bien changer de conversation, je lui casse les pieds avec mes questions sur la famille Fontaine.

- L'été nous sommes bien ici, mais l'hiver, c'est mortel, il faudrait avoir deux maisons; quand il y a de la neige c'est une catastrophe, la route qui rejoint la nationale n'est jamais dégagée, nous sommes  complètement isolés, les gosses ne peuvent même plus aller à l'école, je n'ai qu'une envie quitter ce trou rapidement, seulement  Michel reste accroché à cette maison, à ce décor... je vais vous chercher une autre canette, il fait réellement soif aujourd'hui.

 Elle en met du temps pour revenir... mais cela vaut la peine, la jeune dame s'est faite une beauté, sa petite robe frissonne au vent léger et découvre une bonne partie de ses longues  cuisses appétissantes, elle a noué ses cheveux qui lui dégage un  visage fin, même sa coquetterie dans l’œil n'est plus un défaut, elle a compris ma requête, deviné ma  demande, la bombe de déodorant a du en prendre un sérieux coup mais, même trop c'est nettement mieux. Je suis dans une drôle de situation, si j'avais trente ans, voire quarante, aucune hésitation, j'ai tout de même presque le double de son âge... quelle importance? le panaché titre peu d'alcool mais c'est assez pour accentuer mon vertige....