Le grand verger (suite)
J'assiste au retour des deux couples, Charles a l'air passablement excité, il est encore plus rouge que d'habitude. Alice est comme toujours, souriante. Béatrice est rêveuse, quant à son Vincent de mari, jamais vu ainsi, à croire qu'il a reçu l'Esprit Saint, je cherche l'auréole au-dessus de sa tête.
- Entre Olivier, nous avons une grande nouvelle à t'annoncer.
- Dis-lui maman.
- Tu vas avoir une petite cousine.
Comment, Vincent s'est fait soigner ? Et comment sont-ils certains du sexe?
- Tu es surpris n'est-ce pas?
- Dans combien de temps?
- Dans un mois maximum, avant peut-être, encore des papiers à signer.
- Vous adoptez un enfant...c'est magnifique, quel âge?
- Toute petite, trois mois seulement, c'est mieux, elle ne connaîtra que nous...tiens voici sa photo, regarde comme elle est mignonne.
Tous les bébés se ressemblent, la photo est loin d'être une oeuvre d'art mais je reconnais que la petite frimousse souriante est digne d'intérêt.
- Nous avons les meilleures chances avec cet enfant, excellente santé, le docteur nous a donné toutes les garanties, la maman est paraît-il, une jeune fille bien malgré sa faute.
Combien de fois ais-je entendu ce terme pour désigner une situation qui n'a rien d'une faute.
- Vous l'avez vue?
- Qui? la mère, non, c'est tout à fait anonyme, elle a signé un papier d'abandon, c'est triste mais cela permet à des couples comme le nôtre d'avoir des descendants. La petite nous avons pu l'embrasser, elle est adorable, certain que tu vas l'aimer.
- Allez, champagne pour tout le monde, nous allons fêter cet événement, Vincent va chercher Lydie.
Inutile, maman vient d'entrer, elle était au courant des démarches entreprises. Je comprends mieux leurs airs de conspirateurs depuis quelques jours, leurs conciliabules qui prenaient fin à mon arrivée.
- Pardonne-nous Olivier, nous voulions avoir une certitude... tu es content mon cousin, dis-moi que tu es content.
La future maman me saute au cou, un instant j'ai crains que dans son élan, elle m'embrasse sur la bouche.
- Elle s'appelle Clémentine, joli prénom n'est-ce-pas... pour toi qui les aime.
- Clémentine Arnould, ça sonne bien.
Vincent sort de sa torpeur, il a déjà absorbé deux flûtes de Champagne.
- Nous avons préféré une fille, pour de multiples raisons...ajoute le gros Charles qui lui aussi fait un sort à la bouteille.
- Tu m'as cueilli des pommes? tu peux attendre demain pour la compote, je n'ai plus le courage de m'en occuper.
Cet événement apporte la sérénité au sein de la smala comme disait grand-père qui avait appris ce mot arabe dans les tranchées de Verdun. Il n'avait pas été officier lui, tout juste sous-officier « Par protection » Il répétait qu'il avait eu une chance inouïe d'avoir survécu à la mitraille, juste une blessure insignifiante à l'arrière du crâne « Un éclat d'obus m'a éraflé, si un camarade ne m'avait pas bousculé, je le prenais en pleine tête, le camarade en question venait d'être mortellement touché, il m'a sauvé la vie en perdant la sienne »
De nombreuses pensées se heurtent dans ma tête, je pense aux paroles de Jacqueline, grand-père résistant, à la barbe de son fils, un secret qui en cache un autre peut-être. Qui était la femme qu'il rencontrait à Verdun ? La bague, disparue et miraculeusement retrouvée, le ruban du chapeau, le mutisme de Jacqueline, des indices qui m'orientent vers ma mère, d'autant plus que je la découvre différemment depuis la visite de monsieur Channaz, je soupçonne des échanges de lettres, sa précipitation vers le facteur est étonnante, elle parle même d'un voyage en Suisse.
- Quand tu seras à Nancy, que je me retrouverai seule, et puis un changement d'air, cela me ferait le plus grand bien.
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