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La carrière blanche

Première démarche, remonter le temps en consultant nos archives. Ce jour-là, un mardi d’avril, alors que Guy Bertin est attendu pour une réunion de chantier à une dizaine de kilomètres du siège social de son entreprise, il n’arrive pas, ce qui est étonnant, il est toujours ponctuel à ce genre de rendez-vous important. Son adjoint Yves Fournon, déjà sur place, téléphone au bureau, il a confirmation que son patron est bien parti. Il passe un autre coup de fil au domicile de monsieur Bertin où l’employée de maison affirme qu’il n’est pas passé dans la matinée comme cela lui arrive de temps en temps. C’est aux environs de treize heures qu’un promeneur aperçoit un véhicule stationné sur un terre-plein, entre une petite route et une rivière, il le reconnait immédiatement, c’est le 4/4 de Guy Bertin, avec le logo de l’entreprise sur les portières. Il s’étonne de cette présence à cet endroit relativement isolé et poursuit son jogging. Quelques mètres plus loin, au pied d’un arbre, il découvre un corps, il se rend compte que l’homme est mort, d’autant plus qu’il tient un revolver dans sa main droite. L’alerte est rapidement donnée, les sapeurs-pompiers et les gendarmes arrivent sur les lieux et confirment qu’il s’agit bien de l’entrepreneur, l’arme lui appartient, il a un permis. Après un relevé des empreintes sur l’arme  et dans la voiture qui correspondent toutes à la victime, l’hypothèse du suicide est retenue. Trois autres témoins, habitant le village voisin avaient vu le 4/4 prendre cette route peu fréquentée et leur conclusion était la même, ils avaient reconnu le véhicule de Guy Bertin avec un seul homme à bord, l’un d’eux, retraité de l’entreprise Bertin affirmait qu’il avait de suite identifié son ancien patron au volant.

 -Je ne peux me tromper,  par n’importe quel temps, même en plein hiver, il a l’habitude de rouler avec la vitre ouverte, son coude appuyé sur le rebord.

Il y avait tout de même un fait étrange, l’entrepreneur avait pris du carburant dans la station-service d’un supermarché deux heures avant de mourir,  le ticket de caisse était dans sa poche  et des traces de gasoil ont été relevées sur le revolver. Que s’était-il passé entre temps, avait-il appris une mauvaise nouvelle qui l’a poussé à un geste fatal ?

Ce suicide avait eu un fort retentissement dans la région, l’entrepreneur était bien connu et estimé, cet événement avait presque occulté un autre drame découvert le lendemain. Un cycliste, voulant se mettre à l’abri d’une pluie torrentielle avait découvert, en entrant dans une ancienne baraque de chantier située à l’entrée d’une carrière abandonnée, le corps de Virginie Maury, une jeune fille de dix-neuf ans habitant un village voisin. La malheureuse avait été violée et étranglée la veille, entre neuf et dix heures, d’après le rapport du médecin légiste. Elle avait rendez-vous chez un dentiste de Rosey et c’est à vélo qu’elle s’y rendait, sa mère n’avait pas signalé son non retour à la maison, quand elle allait en ville, elle passait souvent la journée et la nuit chez une amie, sans prévenir. La bicyclette n’était pas sur place, les quelques recherches dans les alentours de la carrière sont restées vaines.  Un jeune homme, ayant déjà eu des attitudes équivoques envers la victime et envers d’autres jeunes femmes de la région avait été soupçonné et interrogé mais il niait et aucune preuve n’était retenue contre lui, le compagnon de la mère de Virginie était également interrogé par les gendarmes, il avait un alibi, chauffeur d’un poids lourd, dans la matinée, il faisait des navettes sur un chantier. Prenant le relais de la gendarmerie, la PJ chargée de cette affaire avait orienté ses recherches vers un groupe de jeunes que la demoiselle fréquentait occasionnellement, mais le coupable n’était pas encore démasqué. Cette relecture me donne l’idée d’écrire un nouvel article, en posant la question de savoir où en est l’enquête, je sais que cela risque de déplaire à mes amis policiers mais c’est peut-être une occasion de les titiller un peu.

Je retrouve mes papiers concernant l’affaire de financement occulte d’un élu dans laquelle l’entreprise Bertin est mise en cause. Comme toujours dans ce cas, le dossier est complexe, un bureau d’études que j’ai  qualifié de fantôme a produit des factures pour des travaux jamais réalisés, l’argent détourné a servi à financer la campagne électorale d’un député. Après une enquête de la brigade spécialisée, c’était la découverte d’un second bureau d’études tout aussi fantôme que l’autre ayant réalisé la même opération, cette fois pour le compte d’un parti adverse. L’entreprise Bertin avait en quelque sorte favorisé ces opérations délictueuses en espérant des retombées sous forme de marchés attribués, mais ces marchés étaient à venir. C’est ce que j’avais écrit, et les élus au cœur du problème avaient critiqué d’une seule voix  mon raisonnement, m’accusant de considérer l’entreprise Bertin comme victime. Le plus virulent était Alain Sarec, maire d’une ville importante du département, régulièrement battu aux législatives par un apolitique très estimé par toutes les couches de la société. Sarec avait tout essayé pour être élu, passant d’un bord à l’autre sans état d’âme, surfant sur la meilleure vague, notre quotidien l’avait traité de caméléon, il avait peu apprécié, d’autant plus qu’à la moindre occasion, ses adversaires au Conseil Municipal utilise ce vocable. Notre quotidien aurait aimé trouver une faille dans ses pratiques mais l’homme est rusé. Il a à sa solde quelques gros bras, colleurs d’affiches au moment des élections, entre temps collecteurs de fonds mais je ne peux imaginer que ce maire puisse commanditer un assassinat.

 



28/11/2011
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