Motsetphotos

Nous sommes dehors et la mère souris continue son monologue, elle nous suit jusqu'à  nos véhicules; nous allons faire demi-tour au bout du chemin, près d'un dépôt de grumes, passons devant la bicoque de Bébert et descendons un peu plus bas que la maison des Espagnoles.

- Je me doutais que vous alliez venir, que raconte la vieille...oh mon Dieu, le chapeau de Bébert, que ça me fait drôle de le voir comme ça, emballé dans du plastique, c’est comme si il était dans un bloc de glace...comme si il était mort...ne le montrez pas à Inés, cela lui ferait trop de peine...où était-il ? Près du tas de bois ? entrez messieurs, vous tombez bien j’avais des choses à vous dire.

Monneret est manifestement ennuyé, je suis de trop.

- Oui, je voulais vous tenir au courant, de toutes façons vous l'auriez appris tôt ou tard, Casimir a laissé un testament chez le notaire, maître Quentin, il vient de nous l’apprendre, il désigne Inés comme héritière, quel brave homme... et vous savez quoi, sa pension était maigre pourtant, il avait de belles économies... bon, les frais de succession sont importants, une étrangère à la famille, c'est le maximum, n'empêche il restera de quoi, pour la gamine c’est formidable.

- En parlant de monsieur Bielinski, vous l'aviez vu lundi matin, la veille de l'accident de Bébert,  il était pressé.

- C'est la concierge des Planchettes qui vous a renseigné, elle nettoie un seul carreau, celui qui lui permet de zieuter dehors, les autres son devenus opaques...je me souviens bien de ce lundi, je faisais mon ménage, il était avec Inés dans sa chambre... non mais je vous le répète, en toute amitié... il venait à peine d’arriver qu’il est ressorti, il m'a dit qu'il avait... un besoin pressant...vous savez, je ne prête jamais mes toilettes aux visiteurs...je les envoie dehors... question d'hygiène...

- Pourrais-je parler à Inés?

- A vous elle ne dira rien, je la connais, avec le monsieur du journal peut-être.

L’adjudant est encore plus ennuyé.

- Elle a ses têtes vous savez, inutile de la contrarier.

Carmen disparaît quelques minutes pendant que Monneret me donne les dernières consignes.

- A vous de jouer, pas de brusqueries, essayez de savoir si elle était au courant du gain, si elle en a parlé à Casimir ou à un autre...cette histoire d’héritage, si la thèse du crime est retenue, la fille devra attendre...

Carmen revient et m'invite à la suivre, elle me guide dans un couloir aux murs garnis de cadres renfermant des paysages divers, une porte et je me retrouve dans une sorte de boudoir joliment meublé; derrière un rideau de mousseline, je distingue un lit; Inés sort d'un cabinet de toilette, sa robe légère moule un corps parfait.

- Je vous laisse, je vais tenir compagnie à l’adjudant.

J'avoue que je suis décontenancé, que fais-je dans cet endroit? avec cette jolie fille  légèrement vêtue?

- Mettez-vous assis monsieur.

La chaise désignée est juste a côté d'un pouf, la demoiselle aime ce genre de siège, elle s'y installe nonchalamment, ses genoux frôlent mes tibias.

- Ma tante me dit que vous voulez savoir ce que Bébert m'a raconté?

- Oui, à part les robes et les chaussures promises, a t'il dit comment il comptait vous acheter toutes ces belles choses, avec quel argent.

Inés se renfrogne un peu, sa moue ajoute encore du piquant à son charme, l'adjudant a raison, cette jeune femme méritait de sortir de ce milieu.

- Bébert m'avait demandé de ne rien dire, à personne.

- Mais il est mort.

- Je sais, alors une promesse à un mort, c'est encore plus important qu'à un vivant.

- Vous avez pourtant parlé à Casimir.

- Qui vous l'a dit?...quand je lui parlé des robes, il a rigolé, il s'est moqué, m'a dit que Bébert racontait des bêtises, qu'il n'avait pas assez d'argent... je lui ai dit que si, qu'il allait  avoir des gros billets plein sa musette, qu'il m'avait montré une feuille et m'avait dit qu'elle valait chère...  le prix de la maison de monsieur Lebrun, la belle maison en ardoises juste en face.