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Un second souffle

Les gouttes deviennent  de plus en plus drues, les éclairs zèbrent le ciel dans tous les azimuts, les coups de tonnerre s'enchaînent sans discontinuer et quelques claquements proches me font craindre le pire... la baraque du cantonnier? Est-elle encore debout? si oui elle ne doit pas être bien loin, juste derrière la petite bosse, seulement il me faut rejoindre la route nationale, et le chemin le plus direct m'oblige à traverser  le  pré occupé par le troupeau d'encornés. Je jette un regard circulaire pour voir où se trouvent les bovidés, je les aperçois serrés les uns contre les autres à l'orée du bois, ils vont m'ignorer j'espère. Allez du courage, plus question de tergiverser, cette fois-ci, les nuages me dominent et m'écrasent de leur masse sombre.

Le petit bâtiment est encore là où je le prévoyais, construit au bord de la grand’ route, coiffé de tuiles moussues.

Dans ma précipitation à franchir la deuxième clôture je m'accroche aux barbelés, ma chemisette ne résiste pas aux piquants acérés car j'entends un cri de déchirement significatif, bien l'impression que ma peau est également entamée, je ressens une petite douleur.

J'ai un mouvement de recul, déjà du monde dans la cabane, un cycliste, c'est le vélo  que je distingue tout d'abord, puis une femme, l’occupante est encore plus surprise que moi, je suis entré sans crier gare. Il était grand temps, l'averse était sur mes talons et le crépitement des gouttes sur la  toiture témoignent de leur violence.

Je dois avoir l'allure d'un monstre car la dame semble apeurée.

- Excusez-moi d’entrer sans prévenir, je n'ai pas vu de sonnette à l'entrée.

Ma plaisanterie ne  rassure nullement la dame, elle continue à me fixer intensément, ses grands yeux clairs trahissent une certaine panique, je ne la distingue que vaguement, elle peut avoir dans les  trente cinq quarante ans; pourquoi cette crainte? Peur que je l'agresse?

Je m'habitue à la demi obscurité et m'aperçois qu'elle aussi a été imprudente, sa robe bain de soleil lui dégage largement les épaules et son décolleté généreux permet la vision partielle d'une poitrine dorée à souhait, sa panique est peut-être justifiée, je suis en manque de femme depuis plusieurs semaines, voilà une proie appétissante et une situation intéressante. Ce genre d'endroit était connu dans le passé comme une aubaine pour les voyageurs et les promeneurs, ce modeste toit pouvait  protéger de la pluie mais aussi de la vue... n'ayez aucune crainte jolie madame, je suis un homme civilisé.

 - Beau temps.

L'apparition garde un mutisme inébranlable, elle tire sa bicyclette devant elle et s'en sert comme  bouclier, décidément j'affole, il y avait bien longtemps. Je reviens vers la sortie, l'orage est à son paroxysme, le vent fouette et chasse des paquets de flotte par l'ouverture privée de porte.

- Qui êtes-vous?

Ah ! Tout de même, cette sauvageonne se décide à parler, je pensais qu'elle était muette.

- Un passant chère madame, comme vous je suppose, vous n'êtes pas la résidante habituelle de cette magnifique demeure.

Elle sait rire également, et elle le fait très bien.

- Montrez-voir... tournez-vous s'il vous plaît, vous êtes blessé, vous saignez abondamment  dans le dos.

Je passe la main sur mon épaule gauche, effectivement les barbelés ont laissés des traces, je ne pensais pas être griffé à ce point, ma chemisette commence à coller à la plaie, si j'étais seul je l'enlèverais.

- Attendez, j'ai des mouchoirs en papier dans ma sacoche.

Je soulève mon vêtement, dégage une épaule et me baisse légèrement; la dame éponge délicatement le sang qui continue à couler, il est vrai que j'ai un sang fluide.

- Il faudrait désinfecter rapidement les plaies, les fils de fer barbelés sont plus ou moins rouillés, cela peut être dangereux.

- Ce n’est pas bien grave, un petit tétanos et en quarante huit heures on en parle plus.

- C’est effectivement une maladie expéditive, seulement, il paraît qu'avant de mourir, les douleurs sont atroces.

- Ah bon, alors je préférerais un arrêt cardiaque ou une embolie.

L'ambiance vient de se détendre dans le réduit étroit et malodorant, alors que les coups de tonnerre continuent à faire trembler la toiture, que les éclairs illuminent fugitivement un décor tristounet,  je me laisse chouchouter par une inconnue délicate et attentionnée.

- Quand on est citadin et que l'on se promène dans la cambrousse, il faut être prudent cher monsieur, ou alors avoir une trousse de première urgence sur soi.

Comment devine-t-elle mon appartenance à la ville?  Mon  visage pâle,  les ruraux ont généralement  une peau tannée.



17/08/2012
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