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Un été ordinaire

Ca ne va pas mon petit gars, tu es blanc comme un linge, t’as vraiment pas l’air dans ton assiette...Marina a dû te faire avaler des spécialités de sa Pologne natale, des trucs en ‘ski’ ... qui ne glissent pas.                                                                            

Fernand et son humour.

- Je sais, mes calembours sont tirés par les cheveux, la preuve, les miens se sont retirés.

Le contremaître levait sa casquette, laissant apparaître un crâne presque lisse.

 

Je n’avais pas suivi les conseils de Marina, me promener dans le jardin ? Il est trop proche de la cuisine, j’aurais pu la voir évoluer devant l’évier et je pouvais avoir envie de revenir vers elle, envie de la voir tremper ses doigts aux ongles peints dans l’eau de vaisselle...non, ce n’est pas la vraie raison, j’aurais eu  envie de je ne sais quoi, ou plutôt si, je le sais trop bien.

 

- Pour la commande de charpente en chêne, j’ai été obligé de taper dans les grumes de Hautlieu, deux qu’il m’en fallait, j’ai essayé de prendre les deux moins belles mais ça fait tout de même mal au cœur, c’est vraiment de la bonne marchandise,  j’ai planqué les belles pièces débitées  en dessous, que ta tante ne tombe pas dessus.

Il lui manquait trois dents du bas à Fernand, des incisives, c’est pour cela qu’il riait toujours en pinçant les lèvres, c’était amusant.

- Dès ce soir elle va faire le tour de la boutique,  elle ne va même par se changer, gare aux éclaboussures, ton paternel n’a qu’à bien se tenir, elle va trouver des trucs à redire comme d’habitude, je vois le tableau d’ici... Dis-moi Frédéric, pour les congés payés, je pourrai prendre deux semaines au moins?

- Toi aussi.

- Normal non, j’y ai droit.

- Non... au moins!

- Tu rigoles Freddy mais à force d’entendre toujours des au moins... au moins, on finit par le dire...en plus.

Le contremaître avait raison, combien de fois devais-je bloquer ma langue pour éviter cette manie verbale.

- Pour les travaux, faudra faire gaffe si je ne suis pas là,  que les maçons ne prennent pas n’importe quelles planches pour faire les coffrages, pas comme il y a deux ans, des planches de merisier qu’ils avaient pris les cochons, des planches de premier choix, moi je les aurais payés avec des noyaux de cerise...tu penses aussi au bardage de la caisserie.

Il est des mots qui se perçoivent comme des signaux, caisserie devenait synonyme de Manou, je filais vers l’atelier de boîtes à fromage.

Elle était à son poste, la petite Espagnole, dans la même attitude que la dernière fois,   épaules nues,  sa peau au teint mat faisait un joli contraste avec sa blouse claire, cette fois, je m’approchais de l’établi, caressant les bandes de peuplier finement sciées qui, à peine touchées, se roulaient, se lovaient. J’avais essayé d’agrafer ces bandelettes à un couvercle, l’agrafe métallique était entrée dans mon pouce comme dans du beurre et j’avais abondamment saigné. Et si je recommençais? Possible que Manou vienne à mon secours. Les autres femmes me toisaient sans vergogne, je savais qu’Anna était une femme facile, elle vivait avec un pauvre hère dans une maisonnette sans eau ni électricité, attendant qu’un logement de la Fontaine se libère. Etait-ce la larme de vodka  qui faisait son effet, je dévisageais la dame de haut en bas, m’attardant sur ses genoux  que d’un seul coup je trouvais sublimes, Anna se rendait compte de mon insistance et d’un petit mouvement de jambes, dévoilait une surface plus importante de ses cuisses, j’étais troublé,  lâchais prise et quittais cet endroit dangereux.

 

Sylvette était encore dans la buanderie, mais cette fois elle n’essayait pas un soutien-gorge de Marina, elle dépendait du linge en chantonnant.

- Elle t’a déjà fait une chose pareille, la blonde?

- Quoi? Vouloir m’embrasser sur la bouche, non, pas elle.

- Qui alors, un homme, lequel, Emilien?

- Oh! Celui-là, il veut toujours toucher mes seins...et puis ailleurs aussi, ce qu’il peut m’énerver.

- Comment ailleurs ?

- Fred ! Tu sais ce que je veux dire.

- J’ai l’impression que tu aimes bien quand même.

- Ca chatouille, et puis il est tout de même  gentil, il me fait des beaux cadeaux.

- Quel genre?

- Des bijoux.

- Des bijoux?

- C’est pas des vrais en or ou en argent mais ça me fait plaisir, tu veux que je te les montre.

Sylvette revenait rapidement avec une bague, deux bracelets et un collier, du toc bien évidemment mais pour ma cousine c’était un pactole.

- Et en échange il te fait des choses dégoûtantes.

- Non, je t’assure, tu peux me croire,  seulement des papouilles... lui.

- Pourquoi lui, un autre homme t’en fait plus.

- Je ne peux rien dire, j’ai promis juré sur ...ta tête.

- Pourquoi sur la mienne.

- Comme ça je ne te dirai jamais rien, je t’aime bien Frédéric et puis comme ça tu ne me le demanderas plus.

Je ne crois pas trop à ces sornettes  mais ma cousine a trouvé la formule magique pour taire le nom de ce type qui se permet...mais qui? Je vais surveiller discrètement, si je découvre moi-même ce salaud, il ne peut rien m’arriver...sur ma tête, quel culot.

- Il te fait des cadeaux aussi l’autre?

- Si on veut...elle avait bu Marina, elle m’a fait peur sur le coup, ça arrive que des femmes elles veulent embrasser des autres femmes, puis qu’elles font d’autres choses ensemble  mais c’est des anormales, moi je ne m’aimerais pas ça.

- Tu préfères les hommes, et ça te plaît.

- Parlons d’autres choses, comment tu la trouves Manou ?

- Manou? Ce n’est pas la fille du bûcheron Espagnol, la demoiselle brune qui travaille à la caisserie?

- Tu fais l’innocent Frédéric, tu vas la regarder souvent à l’atelier, Emilien me l’a dit et Manou aussi, elle te plaît avoue-le, elle est jolie.

- Tu lui parles?

- Quand elle est au jardin, le sien est à côté du nôtre.

Sylvette m’ouvrait des horizons nouveaux, c’est vrai que notre potager est profond et que sa clôture borde deux jardins ouvriers mais j’ignorais que celui des Ramirez était voisin.

- Moi aussi je t’aime bien Lyvette, c’était bon les pirojki?

- Les quoi?



30/04/2011
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