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Un été ordinaire

Que veut faire Marina avec de la farine ordinaire? Elle prétend que Sylvette pourrait nous empoisonner, et si elle avait envie de me supprimer? Tante Odette m’avait dit un jour :

- Pierre-Louis claironne qu’il ne veut pas d’enfant avec elle mais si par malheur, tu venais à disparaître, il changerait probablement d’avis et l’épouserait, la société doit être pérennisée que veux-tu.

Je vais prendre des précautions, je n’ai point de goûteur à ma disposition ou alors j’invite Ronron à notre table et j’échange ma part avec la sienne... je suis idiot, son frère aussi est un obstacle à ses ambitions.

 

La Polonaise se levait, s’étirait comme une chatte, se passait voluptueusement la main dans ses cheveux puis me tournait le dos, dans cette position, je n’avais plus aucune chance de découvrir la moindre parcelle de son anatomie, sa robe de chambre au col de fourrure descendait jusqu’aux talons. Pourtant, la cambrure de ses reins et les formes arrondies de ses fesses attirait mon regard, je sentais un désir fou monter en moi. « Les hommes ! Ils sont bien trop lourdauds » Avec toi ma tante, uniquement avec toi mais avec une femme offrant de tels avantages...   

- J’allais oublier, avec la farine, tu me prends aussi de la levure de boulanger.

Voici que je découvrais une autre Marina que celle que j’avais supporté jusqu’alors, pardon ma petite maman, je t’expliquerai. La dame tournait la tête vers moi, sans bouger les pieds, l’échancrure de son vêtement laissait entrevoir un sein dénudé, une pure merveille dominée par un téton conquérant. Bien vite, elle reprenait sa position précédente puis, comme un fantôme, glissait vers la porte et s’évanouissait dans le couloir. Je restais de longues minutes sans bouger, fermant les yeux pour retrouver l’image fugitive.

 

- Alors, qu’en penses-tu Fredo ?

Les pâtés odorants que Marina venaient de sortir du four et de poser sur la petite table de la salle à manger étaient  dorés à souhait.

- Nous sommes mieux ici que sur la grande table, nous aurions été perdus... allez prends-en un et goûte.

Des pâtés individuels... elle a fait un repère sur ceux qui ne contiennent pas d’arsenic ou de  mort aux rats, je vais contourner son stratagème.

- Tu penses que ceux qui se cachent dessous sont meilleurs? ...alors, j’attends ton verdict.

La première bouchée avait été timide, puis mon appétit habituel avait supplanté mes appréhensions et j’avais ingurgité le reste goulûment.

- C’est bon, c’est très bon.

- Je savais que cela te plairait.

-C’est quoi ?

- Ce sont des pirojki, une spécialité Russe.

Je lui faisais répéter ce mot inconnu,  pour entendre la sonorité et surtout pour admirer la forme de sa bouche quand elle le prononçait.

- Mais tu es Polonaise?

- Ma grand-mère maternelle était Russe et mon père  originaire de la Pologne orientale, à quelques jets de pierre de la grande Russie devenue Soviétique.

- Et tu as déjà fait cela à papa?

- Non, tu vois tu es un  privilégié, ton père n’est pas  amateur d’exotisme, il va encore me faire bondir en réclamant à corps et à cri du pain et du camembert quand nous serons dans les îles Grecques, à Rhodes ou à Lesbos.

- Lesbos? C’est également une île, je croyais que...

- Que c’était un pays imaginaire? Non jeune homme, cette île existe réellement elle est d’ailleurs peuplée tout naturellement  de Lesbiens et de Lesbiennes.

Marina éclatait d’un grand rire, elle devait être à la fête, j’étais heureux moi aussi, nous disions des bêtises et avalions les fameux pirojki avec délectation.

- La prochaine fois que nous ne serons seuls, je te préparerais du bortsch, c’est un potage... aux choux avec des betteraves rouges et de la crème aigre.

- Pouah! Du chou...c’est dégoûtant, j’ai horreur du chou... et puis de la crème... aigre, pouah !

- Si c’est moi qui le prépare, tu aimeras aussi.

Sans vouloir contrarier Marina, ce n’est pas mon avis,  le mot est laid et, quand elle le prononce, sa bouche ne m’inspire nullement...non, pas de ‘borche’ pour moi.

- Attends-moi, je reviens tout de suite.

Elle montait chez elle et redescendait rapidement, tenant triomphalement une petite bouteille à la main.

- Regarde-moi cette merveille.

Si elle parlait de la bouteille elle était semblable à un autre flacon de liqueur, quand au  liquide il était incolore, seul l’étiquette avait une particularité, écrite dans un alphabet que j’avais eu l’occasion de rencontrer lors d’une journée consacrée à la Russie, c’était au collège.

- De la vodka, de la vraie, d’origine, tu vas me dire ce que tu penses de ce breuvage...surtout,  rien de tout cela à ton père, encore moins à ta tante.

Ouah! j’avalais rapidement un verre d’eau pour diluer le breuvage de feu qui glissait le long de mon oesophage, pire que la poire ou  la mirabelle dans lesquelles il m’arrivait de tremper les lèvres, pire que le piment rouge croqué à pleine dents confondu avec un fruit sucré, c’était lors de  vacances dans le pays Basque. Et Marina qui riait de plus belle alors qu’elle avait fait cul sec et qu’elle balançait son verre derrière elle. Le petit verre à pied en cristal allait s’éclater joyeusement dans la cheminée vide, les morceaux volaient dans tous les sens.

- Ne mets pas cette casse sur le compte de Sylvette.

- Sylvette! Je l’avais oubliée cette petite, va la chercher s’il te plaît, il reste encore quatre pirojki et je lui sers une rasade de vodka.

Ma cousine toussait mais riait comme une folle, alors que Marina se servait une nouvelle dose.

- Viens à côté de moi ma petite Sylvette, plus prrrès, voilà, je vais me  crrroire  déjà à Lesbos.

J’assistais à une scène étrange, Marina avait attirée ma cousine entre ses cuisses, la prenait par le cou  et tentait de l’embrasser sur la bouche.

- Je suis devenue folle, pardonne-moi... allez ma petite Cendrillon, retourne vite dans ta citrouille.

Je restais pantois, regardant la maîtresse de papa, je ne la voyais plus comme avant, elle avait l’air d’une petite fille prise en défaut, son rire de tout à l’heure avait fait  place à une moue triste, les yeux bleus pleuraient, de grosses larmes contournaient les pommettes saillantes et glissaient le long de ses narines frémissantes, j’avais envie de les intercepter, de les aspirer avec mes lèvres, certain qu’elles étaient sucrées comme du miel. 

- Maintenant laisse-moi Frédéric, va te promener dans le jardin, je vais ramasser les éclats de verre,  faire le ménage et la vaisselle, nous allons tirer un grand voile opaque sur notre folie, sur ma folie.


28/04/2011
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