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Un été ordinaire

- Inadmissible, je vais remuer l’affaire, crois-moi certaines têtes vont tomber.

- Laisse Pierre-Louis, inutile de faire un scandale, nos finances peuvent absorber une telle dépense, de toute façon il fallait envisager cette rénovation un jour ou l’autre, alors.

Quel revirement chez ma tante, la compagnie d’assurances venait de signifier qu’elle bloquait le règlement des indemnités jusqu’à la fin de l’enquête et, au lieu de faire du foin, la taupe grise baissait les bras. D’ailleurs, son attitude était curieuse, beaucoup moins d’agressivité à mon égard, une opposition moins virulente aux propos de mon père, seule Marina bénéficiait encore de ses réflexions cinglantes « Vous devez user plus de robes de chambre que de jupes » La taupe devrait doubler la capacité visuelle de ses affreuses petites lunettes rondes, ce qu’elle prenait pour des robes de chambre étaient d’élégantes sorties de bain, avec le beau temps et le soleil revenus, la jolie blonde ne faisait pas de frais de toilette, peignoir le matin, bikini  l’après-midi. Emilien soutenait que sur le ponton de son chalet, elle osait enlever le soutien-gorge «  Je l’ai vue de loin, de près ce doit être un sacré spectacle, tu devrais aller te planquer dans les alentours, dommage que j’ai cassé mes jumelles »

 

- Je peux te parler.

- C’est urgent? et tu pourrais me parler sur un autre ton au moins.

Félicia venait de me rapporter un fait grave ; comme malheureusement il fallait s’y attendre, le patron avait tenté de lui faire subir des outrages.

- Je ne voulais pas te le dire Frédéric mais je n’ai pas le choix, je l’ai prévenu que si il recommençait, j’irais chez les gendarmes. Je n’ai rien dit à maman, j’ignore qu’elle réaction elle aurait, tu sais, elle...

- Je sais Félicia, ne me dit rien.

Malgré mes certitudes préalables, la confession de Marina, la confirmation  d’apprendre de la bouche d’une récente victime que mon géniteur était bien l’agresseur de jeunes filles me rendait malade, j’avais longuement réfléchi avant de prendre ma décision. Cette fois je ne pouvais reculer, je vais lui dire tout le mal que je pense d’actes que je considère comme criminels.

La réaction du coupable était différente de celle prévue, à peine gêné, il tentait de justifier ses agressions.

- Et que comptes-tu faire, maintenant que tu es au courant? me dénoncer à la maréchaussée, scier la branche sur laquelle tu es confortablement assis? tu veux que je te fasse un aveu puisque nous en sommes à l’heure des  grands déballages, l’incendiaire de la scierie a été identifié, il s’agit d’un personne de notre entourage, très proche de nous... Odette Delanaud, cette naïve a cru qu’elle pourrait tromper les enquêteurs, c’était sans compter sur la pugnacité d’un jeune loup aux dents longues, ce morveux d’inspecteur des assurances, et sur la curiosité d’un vulgaire pompier de village.

- Elle a avoué elle aussi.

- Oui, nous avons une qualité chez les Delanaud, nous acceptons de prendre nos responsabilités, prends en de la graine mon ami.

- Elle t’a également avoué ses malversations ?

- Que dis-tu ? tu emploies de mots dont tu ignores le sens exact, consulte un peu les dictionnaires au moins.

- Détourner du beau parquet de chêne et le vendre au noir, comment appelles-tu cet acte ?

Mon père avait eu un sursaut imperceptible pour un profane, un léger mouvement de la bouche que j’avais décelé, j’attendais qu’il effectue la pirouette dont il a le secret.

- Tu es devenu fou Frédéric, si ta tante agit ainsi c’est pour éviter d’avoir des bénéfices trop importants, de payer des impôts inutiles, il serait temps que  je te mette au courant de certaines pratiques en cours dans notre entreprise comme dans d’autres d’ailleurs, nous n’avons pas l’apanage  des retenues   directes à la source. En tout cas, bravo pour ta perspicacité, je souhaite que tu sois aussi performant quand tu seras à la tête de notre usine, disons dans une petite vingtaine d’années.

- Mais pourquoi de tels agissements maintenant, Gabriel m’affirme qu’ils sont récents, qu’avant il n’avait rien remarqué?

- Petit curieux, autant tout te dire, auparavant, c’était dans le secteur des grumes que nous arrivions à récolter un peu d’argent liquide, c’était mon domaine, à présent les échanges se font par chèques, virements bancaires, la  surveillance est effective à tous les niveaux, les agents des Eaux et forêts régentent, réglementent, les risques sont trop importants, d’où un déplacement de cette obligation vers le parquet. Car c’est une obligation monsieur le redresseur de torts, nous avons subi un contrôle fiscal en 54,  et, crois-moi, les polyvalents n’y pas allés avec le dos de la cuillère, ce sont des louches qu’ils utilisaient, heureusement, grâce à nos relations  nous avons réussi à trouver un compromis. A l’avenir, ce sera encore plus sévère, je me demande si des maisons telles que la nôtre résisteront aux pressions fiscales, confrontées qu’elles sont à un marché déséquilibré tant au point de vue des achats qu’au niveau de la vente...et  Gabriel est au courant ? tu vois petit merdeux où peuvent nous mener tes conneries, heureusement, Gabriel est un homme discret, un autre que lui pourrait nous occasionner de sérieux ennuis, aller jusqu’au chantage.

Ce mélange de mots vulgaires et de phrases alambiquées est inhabituel chez mon géniteur, c’est la preuve d'un profond trouble. Mais oui pédégé, tu ignorais que ta frangine piquait du fric de cette façon, je sens que les règlements de compte montent à l’horizon, je n’assisterais pas au gros de l’orage qui va se dérouler en comité restreint, mais les soubresauts seront apparents.

 

 



08/06/2011
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