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Un été ordinaire

- Nous attendons les Redman à déjeuner dimanche, quelques petites recommandations avant ce repas, ce sont des Britanniques, par définition des gens très pointilleux sur tout ce qui touche la bienséance, évite donc de  mettre les coudes sur la table, de couper la parole et de te curer  les narines de manière indélicate, fais-nous honneur, fais honneur à ton rang au moins.

Récemment installés à Mont-Saint-Jean, chef-lieu du  canton, monsieur et madame Redman ont rapidement été acceptés parmi les notables, dans ce cercle étanche où l’argent est  le seul critère retenu. Monsieur Redman vient d’acheter une ancienne carrière de pierre et reprend son exploitation.  J’avais rencontré le couple lors de l’inauguration de la  salle des fêtes édifiée au bourg, j’avais surtout remarqué la chevelure épaisse et rousse de l’Anglaise.

J’avais oublié bon nombre de particularités ou alors j’étais absorbé par un autre sujet, madame Redman n’avait pas que des cheveux roux, elle avait aussi des taches de rousseur  du plus bel effet et surtout une poitrine et des fesses avantageuses. L’image de l’Anglaise plate comme une limande était prise en défaut. Ce doit être pour faire taire cette mauvaise presse que la rousse présentait un balcon bien dégagé. En explorant de façon acrobatique l’échancrure du corsage, l’horizon offrait un merveilleux spectacle vallonné. Sans rejeter dans les oubliettes les jolis seins de Marina, ceux de Barbara Redman valaient la peine d’être admirés. Il me venait spontanément le désir de mieux connaître ce corps Anglais et je me débrouillais pour me placer aux premières loges durant la séquence ‘apéritif’, m’installant rapidement sur le siège situé en face du sofa. La jupe courte de Barbara ne pouvait faire autrement que de remonter et de découvrir un panorama remarquable. Je fermais à demi les yeux pour éviter de passer pour un voyeur.

- Frédéric, tu dors encore?... ces jeunes gens se couchent de plus en plus tard, avec cette maudite télévision.

La dame se rendait compte de l’intérêt que je portais à ses jambes en particulier et à son corps en général, elle  me récompensait,  prenait une position suggestive, m’offrant un champ de vision élargi dans lequel mon regard s’engouffrait sans retenue.

- Si nous passions à table.

Les habituelles phrases lâchées entre deux bouchées, souvent tronquées par des mâchonnements indélicats émanaient surtout de mon père et de sa sœur, les Redman mangeaient du bout des dents et le défaut de prononciation chronique de ceux qui pratiquent habituellement la langue de Shakespeare les handicapait. Monsieur Redman a beau être Anglais et homme raffiné, il postillonnait à chaque syllabe propulsée.

Point de pudding au dessert, ni même de cake, malgré les signaux pathétiques de Bill, il devait ingurgiter un grosse part de tarte aux prunes, le jus lui dégoulinait de chaque côté des lèvres et il se tamponnait délicatement avec le bout de sa serviette comme le curé venant de boire le vin consacré.

Deux heures à table, c’est un calvaire pour un jeune homme, même de bonne famille, je jetais sans cesse un regard implorant vers la pendule en souhaitant qu’elle tourne plus vite.

Sylvette avait revêtu sa plus jolie blouse et avait enfilé un mignon petit tablier vichy, Bill lui faisait de grands sourires dentus, peut-être préfère t-il les femmes au  relief adouci.

Le coffret à cigare venait  d’atterrir sur la table.

- Les cousins de ceux que votre  Winston Churchill affectionne.

- Sir Winston Churchill!

Le républicain Delanaud venait de commettre un crime de lèse-majesté, le sujet  Britannique était choqué.

- Je vais montrer le chalet à Barbara.

Je me voyais déjà oublié, entre les cigares et le chalet, Marina avait compris mon désir.

- Tu nous accompagnes Frédéric, nous avons besoin d’un homme, d’un protecteur, qui sait, nous pourrions faire de fâcheuses rencontres.

 

Les chichis étaient restés dans la salle à manger, les deux jolies dames s’installaient sur le ponton en bois.  Barbara s’affalait sur un transat et laissait le soleil caresser l’intérieur de ses cuisses.

- Vous voulez de la crème solaire ? proposait Marina.

- Volontiers, j’ai une peau atrocement sensible.

J’assistais alors à une séance d’un érotisme insoutenable, la rousse à la peau fragile avait une manière bien particulière d’appliquer la crème sur son corps, je suivais les mouvements circulaires de la main, des mouvements voluptueux. Les grands doigts effleuraient la chair délicate, remontaient haut, très haut, je devinais le contour d’une petite culotte, au secours, je vais craquer.

- Mon petit Frrred, veux-tu aller nous chercher à boire, je n’ai plus rien ici?

Le charme était rompu, Marina me sortait des abysses où je sombrais.

Je ne revenais pas seul, les deux hommes avaient terminé la dégustation de leur gros cigare, Bill tenait à voir cette merveille de chalet, même tante Odette était du voyage, visiblement émoustillée, mais elle, c’était le Champagne qui la rendait pétillante.

- Darling voilà ce qu’il faut m’offrir, tu peux passer ta commande dès maintenant.

- Vous avez la possibilité de nous fabriquer ce genre de construction?

- Bien entendu, deux  mois de délai environ, le résineux n’étant pas notre spécialité.

- Nous allons réfléchir et nous renseigner pour savoir si l’implantation est possible dans le périmètre de l’agglomération. 

C’est bien un Anglais, il veut respecter les règlements mais je verrais bien le frère jumeau de cet abri agréable planté au fond du jardin des Redman, je verrais bien un jeune Delanaud se promener incidemment dans les parages, sur le chemin  qui borde la propriété, je le connais  ce chemin encaissé, je l’empruntais régulièrement quand j’allais me balader à bicyclette, c’est un détour qui évite la grande côte.  

 - Monsieur Redman me propose d’aller faire un tour sur le site de sa nouvelle carrière, figurez-vous qu’une grande partie du gisement de pierre à bâtir est située sur le territoire de Calaumont, Frédéric veux-tu te joindre à nous?

- Laisse-nous notre garde du corps, Fredo a le temps d’entrer dans la carrière.

La boutade de Marina laissait les Anglais stoïques, ils n’avaient pas compris l’astuce alors que mon père était étonné.

Je restais avec Barbara et Marina, leur servant à boire. L’attrait de la nouveauté me faisait presque oublier la Polonaise, elle s’en apercevait et manifestait quelques signes de mauvaise humeur.

- Il commence à faire un peu frais, retournons à la maison.

Les promeneurs revenaient et les Redman nous quittaient.

- Nous pouvons vous laisser une petite heure, en passant dans le village nous avons appris que la vieille Amélie est morte ce matin, nous allons lui jeter de l’eau bénite, inutile de te poser la question habituelle, tu abhorre ce genre de démarche mais sache au moins que, plus tard, elle te sera obligatoire mon garçon.     

 Merci cher papa de me dispenser de cette corvée, je suis toujours surpris, voire choqué de constater combien les vivants sont déférents à l’égard des morts, que d’un seul coup, l’homme ou la femme qui vient de quitter ce monde retrouve des couleurs alors que durant sa vie il ou elle était noirci à longueur de calomnies. « Elle a peut-être trompé son mari mais elle avait le cœur sur la main » « Finalement ce n’était pas un mauvais homme »

Bon débarras, à peine la voiture sortie de la cour, Marina me fait un signe impératif, nous reprenons ensemble le chemin de son chalet et ...pirojki...l’adage jamais deux sans trois était réhabilité par une Slave en fusion. Cette fois c’est le feu sournois de la jalousie qui avait ranimé la flamme du désir.

- Elle te plaît cette Britannique rousse ? Tu as le nez bouché mon ami,  son odeur corporelle est désagréable.

Chacun ses goûts, les effluves émanant de Barbara en sueur m’avait au contraire excité, d’ailleurs mille excuses mademoiselle, dans le moment présent, je pense fortement à une dame à la une poitrine avantageuse piquetée de taches de rousseur, aux cuisses à la peau marbrée comme la ville de Carrare.



31/05/2011
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