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Un été ordinaire

Parler avec mon père seul à seul est pratiquement impossible, la taupe grise a toujours le museau tendu vers notre conversation et, d’autre part, je voudrais éviter de poser certaines questions devant Marina. J’ai deux motifs pour m’entretenir sérieusement avec lui,  parler des odeurs d’essence émanant du  peignoir et  des sandales de sa sœur et  puis surtout de Sylvette, Manou,  Mado et de  la fille d’Isidore. Je suis persuadé que monsieur le maire est au courant des mœurs de ses administrés, toutes les informations lui sont rapportées, il a comme un réseau d’espions à son service, j’ai déjà surpris des conversations  édifiantes, son premier adjoint  ne le sera certainement plus à l’issue des prochaines élections.

Surprise de madame Stouffet quand je m’inscris pour prendre rendez-vous avec le premier magistrat de la commune.

- C’est une blague monsieur Frédéric.

- Non, je désire m’entretenir avec monsieur le maire de Calaumont.

- Il reçoit les mardis, jeudis soirs et...

- Je connais ses horaires, inscrivez-moi pour demain dix-huit heures s’il vous plaît.

- Je n’ai encore noté personne à cette heure-ci,  quel nom dois-je inscrire?

- Vous connaissez mon nom et mon prénom.

- D’accord, il va être surpris.

- Il consulte la liste des visiteurs avant ses rencontres?

- Juste en arrivant monsieur Frédéric, vers les dix sept heures, il va être surpris.

 

- Tu te payes ma tête, quand j’ai lu ton nom sur la liste des administrés désirant être reçus, j’ai cru au canular, mais madame Stouffet est tellement sérieuse. Sais-tu que tu n’es pas encore électeur et que j’étais en droit de te refuser une audience, enfin tu es là, tu vas me dévoiler les raisons de cette mascarade,  au moins.

Je commençais à lui parler  des agressions subies par Manou.

- Et c’est sa maman qui t’as raconté ces histoires saugrenues, dans quel but, et pourquoi à toi?  Mon garçon évite de tomber dans ce genre de piège, combien de fois ai-je reçu des doléances touchant à ce domaine délicat, des accusations non fondées, un jour c’est le cantonnier, une autre fois c’est le facteur, pire encore, l’instituteur, le brave monsieur Loriaux a été accusé d’attouchements,  certaines fillettes sont provocantes, et si un jour, un homme normalement constitué se permet des privautés, elles récoltent ce qu’elles ont semées.

- Mais tu défends des saligauds.

- Doucement, tu pourrais me laisser finir, sans donner l’absolution aux hommes trop empressés, j’estime qu’il faut savoir doser son jugement, qu’une jeune fille se fasse lâchement agresser c’est tout à fait répréhensible mais si les sollicitations sont...je vais dire naturelles, et si la réponse n’est pas absolument négative, où est le mal?

J’étais sidéré, qu’un homme tel que mon père, sensé être mieux que le commun des mortels admette des pratiques abjectes, je comprends que les autres ferment les yeux.

- Sylvette est l’objet de contraintes elle aussi, elle me l’a avoué.

- Bon suffit Frédéric, Sylvette est ta cousine, heureusement pour elle sinon il y a bien longtemps que tu lui aurais fait subir des contraintes comme tu dis, crois-tu que le fait de la regarder nue quand elle prend sa  la douche soit digne d’un garçon sérieux? Jamais je ne t’ai fait de reproches à ce sujet alors que j’avais connaissance de ta déviance, la demoiselle n’est pas dupe, elle te devine derrière la lucarne, surtout quand elle est ouverte, tu respires fort mon garçon, je comprends, l’émoi...c’est pour de telles balivernes que tu te permets de prendre mon temps, alors que des villageois ayant certainement de bonnes raisons de me consulter attendent leur tour.

Je perdais pieds, ma superbe disparaissait, mon père avait trouvé une parade à mes questions mais il avait aussi étalé toute sa suffisance comme jamais il ne l’avait fait devant moi, d’un seul coup, je le trouvais minable, superficiel. Assis sur  une chaise ancienne au dossier tarabiscoté  placée sur une petite estrade, il dominait son interlocuteur,  donnant l’impression d’être perché sur un trône ridicule. Pierre-Louis Delanaud, vous venez de vous dévaloriser aux yeux de votre fils, mon admiration à votre égard commençait à s’effriter, elle fait place à du dégoût, méfiez-vous que ce dégoût ne devienne de la haine.

Plus envie de parler de mes soupçons concernant l'incendie, je quittais le bureau du maire.

 

J’ai une soudaine montée de désir, Marina devrait être encore sur la petite terrasse de sa datcha, il a fait tellement chaud dans la journée,.

- Frédéric! Je préférerais que tu évites ce secteur, particulièrement quand je m’y trouve.

J’étais déçu, Marina était d’une froideur que je lui connaissais plus, allait-elle revenir celle que je haïssais?

Mon père avait raison, éconduit  par sa maîtresse, j’allais tout naturellement vers la buanderie où je savais retrouver Sylvette; Madeleine était affairée à la cuisine, le repas du soir était habituellement frugal mais il fallait tout de même qu’il comporte trois éléments, une entrée, un plat et un dessert.

C’est vrai que ma cousine change, sa poitrine prend du volume, sa taille est marquée, ses jambes s’affinent.

- Mais tu es fou Fred, tu ne m’as jamais fait ça.

- Je te regardais prendre ta douche.

- Je sais et j’aimais bien, mais arrête.

- Je te chatouille, comme Emilien.

- C’est pas pareil, lui je sais que s’il essayait d’aller plus loin je lui donnerais un grand coup de pied quelque part, comme il a été blessé à cet endroit, il souffrirait et me laisserait tranquille.

- Tu sais beaucoup de choses Lyvette.

- Emilien il m’a dit lui-même de le faire s’il allait trop loin.

Vraiment un brave type cet Emilien.

- Tandis que moi, si je persiste, tu me laisses faire.

- Pas ici, Frédéric, viens plutôt dans ma chambre ce soir si tu veux, si tu as envie de persister.

- C’est dans ta chambre que l’autre vient aussi te retrouver?

- Oh! Non jamais dans la maison.

- Dans le chalet de maman.

- Tu le sais?

- La clé, dans quel trou de la brique tu là trouves?

- Je ne sais plus, je me trompe chaque fois depuis que ce n’est plus dans le nichoir.

- Et tu te trompes aussi pour la remettre, comment as-tu appris que la cachette n’était plus la même?

- Je te le dirais ce soir, si tu viens.

Ma fièvre est retombée, je découvre Sylvette telle que je la côtoie depuis toujours, nous avons grandi en même temps mais pas ensemble, elle à l’ombre, moi à la lumière, je me sens coupable d’agir comme un rustre,  je veux et je peux me dominer, l’homme civilisé sait se dominer, mon père ferait bien de faire un examen de conscience.

- Tu ne viendras pas ce soir dans ma chambre, hein Frédéric.

- Non, je t’aime autrement.

- Moi aussi je t’aime autrement.

Sylvette me sautait au cou, je la gardais quelques secondes contre moi, dans mes bras, comme la petite sœur que j’aurais aimé qu’elle soit.

Madeleine se retournait sur mon passage, mon intrusion  dans la cuisine à cette heure était inhabituelle.

 …….. 



27/05/2011
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