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Les yeux de la lune

Deux bombes étaient tout de même tombées sur la ligne de chemin de fer mais une seule voie était touchée.

- Solide ce pont, ils risquent de revenir avec des charges plus fortes.

Cette menace qui planait sur Brécourt et particulièrement sur notre quartier avait provoqué une décision de maman.

- Nous allons descendre chez tes grands-parents, à Ligneulles, nous y serons en sécurité.

- Et l’école, encore un mois avant les vacances.

- Tu iras dans mon ancienne école, tu verras elle est très bien.

J’étais partagé entre deux sentiments, la joie d’aller à Ligneulles, de retrouver plus tôt que prévu grand-père Emilien et grand-mère Christine chez qui je passais mes grandes vacances depuis six ans, mais la présence de maman risquait de modifier les données. Elle n’accepterait jamais que grand-mère fasse tous mes caprices, que grand-père  se plie à mes désirs.

 

 

C’est dans la camionnette du  marchand de vins de Brécourt, pilotée par Bertrand son fils que nous partions pour Ligneulles, nous avions entassé de nombreuses affaires dans des cartons.

- On ne sait jamais, si cette comédie dure longtemps.

 Simone m’embrassait longuement et très affectueusement, comme elle le faisait quand j’étais plus jeune.

- Qui sait si nous nous reverrons.

Grand-père était présent au moment du départ, malgré ses yeux secs, je sentais qu’il éprouvait de la peine à me voir partir.

- Ecris-moi Christophe, écris-moi de temps en temps, je te répondrai.

 

Nous venions de traverser le village de Prosnes, c’est là que grand-père Emilien venait me chercher, à l’arrêt de l’autocar. Il récupérait ma valise que du toit du véhicule lui tendait le chauffeur et la chargeait dans la carriole avait de me serrer dans ses bras.

- Pas que cette tête en l’air  embarque tes vêtements.

D’un pas tranquille, le brave Bayard montait la côte, les graviers crissaient sous les roues ; durant cette montée, grand-père ne disait mot. Arrivés au sommet, nous marquions une pause.

- Regarde mon gamin, comme c’est beau.

Au fond du vallon, les toits de tuiles avaient l’air de frissonner à travers une brume de chaleur, les champs de blés mûrs descendaient en cascade vers le ruisseau que de grands peupliers bordaient. C’est vrai que ce décor était sublime, et puis j’imaginais le village, ses petites rues bordées de maisons basses, sa fontaine et son escalier majestueux, je voyais déjà grand-mère et ses yeux tendres, je savourais déjà les desserts qu’elle m’avait préparés.

 



28/01/2013
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