Les yeux de la lune
Encore une nuit blanche, la vision de l’homme ensanglanté, avec son visage exhalant la souffrance ne me quittait pas. C’était donc cela la guerre, pas vraiment la lutte de gentils contre des méchants, dans chaque camp des individus abjects sévissaient, je me jurais de dénoncer ces pratiques indignes d’un être humain, plus tard, quand j’aurai droit au chapitre...
La libération n’était pas la fin de la guerre, la peur de revoir les troupes allemandes revenir s’estompait mais l’hiver rigoureux avait rappelé à l’ordre ceux qui pensait que la vie allait être rose. Les restrictions étaient aussi sévères que sous le joug de l’occupant, le farine de blé manquait, le boulanger fabriquait du pain de maïs ou de seigle, le premier n’absorbait ni les sauces, ni le lait, le second avait un goût âcre. Le lait était toujours accessible avec des tickets, Simone se moquait bien de cette obligation et de nombreux clients venaient à la ferme matin et soir. Je m’arrangeais pour être présent quand l’épouse du chef de gare venait, je poussais la galanterie jusqu’à lui ouvrir la porte de l’étable, plusieurs fois la maladroite s’était coincé les doigts.
- Merci...Christophe, le savoir-vivre a résisté à cette maudite guerre.
Je ne me contentais pas de son sourire, je la suivais des yeux, certain qu’elle ondulait du croupion rien que pour moi. Chaque jour, je jurais d’aller plus loin mais mes belles résolutions tombaient à l’eau. Edouard n’était pas encourageant.
- La chanson qui dit que le chef de gare est cocu ne s’applique à celui de Brécourt, la belle n’a jamais failli.
- Pourquoi, tu as tenté ta chance ?
Mon oncle ne répondait pas, mais lui aussi s’arrangeait pour être dans les parages quand la dame entrait dans la cour, je le soupçonnais d’avoir déversé et épandu plusieurs brouettes de sable le long de la grange, afin que la jolie femme ne salisse pas ses souliers.
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