Les yeux de la lune
Je venais de quitter la ferme, la nuit était tombée rapidement, les ampoules de l’éclairage public diffusaient une lumière filtrée par le brouillard. J’allais aborder le pont quand deux tractions arrivaient sur mes talons.
- Jeune homme...
Des hommes en treillis, brassard FFI m’entouraient.
- T’as pas vu un boche qui se carapatait ?
Je répondais que non.
- Chef, des pas qui descendent vers la rivière.
L’un des hommes braquait une torche vers le chemin emprunté en été par les laveuses, effectivement, la neige était marquée de traces.
- Il a traversé la rivière le salopard, il ne doit pas être loin.
Pendant que l’une des tractions faisait une manoeuvre pour éclairer la berge, un groupe de maquisards courait de l’autre côté.
Un ombre se profilait sur un mur de clôture, une rafale de mitraillette, des hurlements, le fuyard était touché.
- Fumier, tu croyais nous échapper...foutez-le à poil et attachez-le sur le poteau téléphonique.
J’étais pétrifié, le prisonnier était mis à nu, il était couvert de sang.
- Tu vas crever à petit feu.
Au pied du poteau, la neige se colorait de rouge, je voulais fuir mais j’étais comme tétanisé, les maquisards hurlaient comme des sauvages, à tour de rôle, il frappait le malheureux de coups de crosse.
- Il a la peau dure...
Le crépitement de la mitraillette avait attiré des voisins, monsieur et madame Levais étaient les premiers.
- Arrêtez de maltraiter cet homme, vous voyez bien qu’il est gravement blessé.
Madame Levais s’égosillait.
- Ta gueule la vieille, ils doivent tous crever.
Monsieur Levais, un homme athlétique bousculait les excités et se dirigeait vers le supplicié, d’un geste que n’aurait pas renié Saint Martin patron de la paroisse, il enlevait sa vareuse et la posait sur les épaules de l’allemand.
- On vous le laisse bande de péquenots, il va bientôt clamser.
Alors que les maquisards s’engouffraient dans leurs tractions et quittaient le village, plusieurs personnes détachaient le malheureux mais il s’effondrait.
- Il est mort.
Dans une nuit froide et brumeuse, un étrange cortège se dirigeait vers la remise des pompiers.
- On va pas le mettre au même endroit que les américains tout de même ! hurlait monsieur Dupuis.
Madame Levais s’indignait.
- Il est mort, c’était un être humain, il n’avait peut-être jamais fait de mal.
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