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Les yeux de la lune

La journée était fertile en événement, le receveur des postes était introuvable, beaucoup de personnes voulaient lui faire son affaire, cette fois, j’étais partant moi aussi.

C’est à la nuit tombante que le collabo était retrouvé, il pendait au bout d’une corde dans son cabanon de jardin. Les gens se sentaient frustrés, ils chargeaient le corps sur un chariot, fabriquaient une sorte de potence avec des échelles et l’accrochaient au sommet. L’étrange convoi faisait le tour du village mais je n’avais aucune envie de le suivre, et puis Jacqueline, profitant de la nuit, venait me rejoindre, pour la première fois, mon lit avait une utilité plus agréable que d’habitude.

- Tu n’as pas l’impression de coucher avec un garçon ?

Ce n’est que vers trois heures du matin que les rues redevaient calmes, une heure avant, nous avions entendu maman rentrer, elle aussi avait fêté la libération.

 

- Il fait jour...comment je vais faire pour rentrer chez moi.

- Tu attendras la nuit prochaine...ta mère ?

- Elle a compris que j’allais chez toi, et la tienne ?

- Je pense que tu as faim, elle aussi comprendra.

Maman avouait qu’elle avait senti la présence de Jacqueline dans la maison... les volets fermés... nous prenions notre petit déjeuner ensemble.

 

- Encore des fous, ils sont ivres et dangereux.

Après un bruit de moteur, une rafale d’arme automatique et un crépitement de balles s’écrasant contre la façade avaient résonné dans notre cour, je montais au grenier, d’une petite lucarne, j’avais vue sur le quartier.

Le véhicule stationné au carrefour me ramenait deux jours en arrière, je descendais précipitamment.

- Des boches, ils sont revenus.

- Mon Dieu, ils vont nous massacrer.

Les deux femmes tremblaient, je me sentais investi d’une mission protectrice.

Les coups sur la porte arrière n’étaient pas rassurants mais les voix qui les accompagnaient étaient édifiantes.

- Simone, va vite ouvrir.

C’était effectivement Simone, avec Pierre-Louis dans les bras.

- Je me suis sauvée par les près, les boches sont partout dans le quartier de la gare, paraît que des hommes auraient été tués...les Américains c’est certain, Léon Bourdot les a vus... abattus comme des pipes à la foire qu’il m’a dit...Edouard et papa, ils étaient partis voir ce qui se passait...pourvu qu’ils aient eu le temps de se cacher...

Nous gardions les volets fermés, maintenant j’avais trois femmes et un gosse sous ma protection, nous entendions encore des rafales de mitraillette mais plus lointaines.

Je remontais au grenier, de mon observatoire, je voyais le drapeau  piqué sur le toit du clocher, il me semblait en piteux état ; une nouvelle rafale brisait la hampe mais les trois couleurs se distinguaient encore.

Une moto passait devant notre maison en pétaradant, une voiture suivait, puis un véhicule blindé, ce petit convoi repassait cinq minutes plus tard dans l’autre sens, cette fois il était suivi d’un camion fumant, une autre moto fermait la marche. Apparemment, les boches quittaient le village en catastrophe, un bruit d’enfer précédait des chars, les Américains étaient de retour.



02/09/2013
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