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Les yeux de la lune

Les nouvelles de radio Londres étaient encourageantes, l’ennemi reculait en Champagne, la libération était proche.

Maman guettait le retour de notre pensionnaire, j’avais l’oreille collée au poste de radio prêt à le fermer en cas d’alerte.

- Si ce porc nous surprend...tu as laissé la clé dans la serrure ?

- Non.

Le boche n’arrivait pas à ouvrir la porte d’entrée, maman allait son secours...il était dans un drôle d’état, bredouillant de vagues phrases dans sa langue gutturale, complètement ivre.

Sa montée vers l’étage fut laborieuse, maman pouffait de rire.

- Il va dormir dans l’escalier.

Enfin, nous entendions la porte de la chambre se refermer.

- Son compte est bon.

 

L’adjudant n’avait pas encore cuvé sa cuite au petit matin quand deux soldats venaient le chercher, deux jeunes  affolés.

- Amérikans, amérikans...

La malle descendait plus vite qu’elle n’avait montée, maman refermait la porte d’entrée derrière les trois teutons.

- Bon débarras, je n’ose aller dans la chambre, ce cochon a probablement vomi.

Je m’y risquais, une odeur âcre envahissait la pièce mais heureusement, le boche avait eu la délicatesse de dégueuler dans le lavabo, j’ouvrais le robinet en grand.

Une voix connue résonnait harmonieusement dans la cuisine...tante Simone si tôt...je craignais le pire.

- Monte à la ferme, tu retrouveras Edouard dans la remise à bois, il veut te confier une mission.

Je voulais prendre un raccourci en traversant la ligne de chemin de fer mais un véhicule allemand était stationné sur le chemin parallèle, je distinguais deux hommes penchés sur la voie ferrée, j’imaginais que ces salauds posaient des mines.

- Tu guides ce loustic vers les maquisards, pour moi c’est trop dangereux.

Un énergumène sortait de la remise à bois, sa vareuse en velours était un peu étroite pour sa corpulence, au contraire, il nageait dans un pantalon de flanelle.

Malgré son accoutrement, je reconnais l’homme, hier, il portait un uniforme vert de gris, un boche.

- Je suis Alsacien, de Saverne, je veux rejoindre le maquis et libérer ma province.

Un léger accent trahissait ses origines...mais, hier, quand Edouard débitait des insanités, il était présent, il comprenait...

- C’est pour ça que je lui fais confiance, il aurait pu nous dénoncer, et regarde ce qu’il avait planqué dans une godasse.

Edouard me montrait un petit drapeau tricolore.

- Je l’ai traîné sur le front Russe, en espérant qu’il me serve de sauf-conduit en cas de capture, me dit l'Alsacien.

- Mais pourquoi désertez-vous maintenant, quand il y a le feu dans la maison ?

C’est Edouard qui répondait à ma question.

- Sa femme et son gosse sont toujours à Saverne, ses vieux aussi, en quelque sorte des otages, il faut le comprendre, j’aurais peut-être agi comme lui...allez pas de temps à perdre, et faites gaffe du côté de la gare, les Fritz minent les voies. 



03/08/2013
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