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Les yeux de la lune

- Le chef de culture, les maquisards ont tirés des rafales de mitraillette dans ses volets, paraît que les boches sont dans une rage folle, je me demande comment cette affaire va tourner...

Monsieur Langlois avait récolté des nouvelles de bon matin.

- C’était tout un commando, une dizaine d’hommes, madame Morel les a aperçus derrière ses persiennes.

J’avais envie de dire que le fameux commando ne comprenait que deux hommes, que les mitraillettes n’étaient que des fusils, que l’un des deux ou les deux sentaient la bouse de vache, mon nez délicat avait décelé cette odeur bien particulière que nos paysans traînent sur leurs vêtements.

Je montais à la ferme, grand-père devait me guetter car il m’interceptait avant que je pénètre dans la cour.

- Les fridolins encerclent le village, Edouard s’est caché, je crois que tu devrais en faire autant, tu as l’allure d’un homme maintenant, ils seraient capables de te ramasser aussi...dans l’île...mais surtout ne prend pas la passerelle mouille-toi les mollets pour traverser la rivière, les chiens ne pourront te sentir.

Je filais vers la rivière, retirais mes chaussures et mes chaussettes avant de traverser, Edouard m’attendait.

- Je ne suis pas rassuré, j’espère que les femmes et les enfants ne risquent rien...tu ne trouves pas que nous sommes des lâches...je vais repartir à la ferme...des gens ?

Deux hommes du village venaient également se réfugier sur l’île.

- Vous êtes venus par la passerelle ?

- Ben oui, les boches rassemblent les hommes sur la place, ils vont les fusiller.

- Par la passerelle, vous êtes vraiment cons...viens Christophe, on va se planquer dans la rivière.

Je suivais mon oncle, nous descendions dans l’eau et, suivant le cours, arrivions à un endroit où les arbres s’enchevêtraient, formant une véritable couverture de branchage.

- Accroche-toi à une branche, il faut tenir le coup.

Des bruits de voix nous parvenaient, plutôt des hurlements, des aboiements de chien également.

- Les salauds, des lance-flammes.

Une forte lumière provenait de l’île, puis un souffle chaud et une odeur de végétaux grillés suivaient, je plongeais et m’éloignais de l’endroit.

J’émergeais un peu plus loin et voyait la tête d’Edouard réapparaître.

- Les deux imbéciles...grillés...

Je tremblais comme une feuille, était-ce le froid ?



10/07/2013
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