Le rocher du diable
Le sourire de mademoiselle Duchet, bien qu’il ressemble à celui de sa mère’grand n’a rien de commercial, une fille moderne qui ne doit pas s’embarrasser de détails, toutefois, je la sens un peu sur ses gardes.
- C’est votre habitude de rouler aussi peu vite ?
- J’admire le paysage, c’est beau.
- Bof ! on s’en lasse, et puis si il n’y a plus personne pour en profiter, le plaisir n’a de valeur que si on est plusieurs à le partager...au moins deux...vous avez un métier passionnant, à une période de ma vie, après deux ans d’université, j’avais pensé me diriger vers le journalisme mais les belles places sont rares je crois.
- Comme dans tous les métiers.
- Et faire des reportages à l’étranger, cela ne vous intéresse pas ?
- C’est le rêve de tout journaliste mais comme vous dîtes, les belles places sont rares.
Je roule encore au ralenti sur le chemin, mon but est de parler des Barrettes et de sa propriétaire, Karine doit avoir quelques idées.
- Elle est étrange et versatile, un jour elle vous accueille à bras ouverts, le lendemain elle fait la gueule, drôle de femme.
- Sa vie privée influe sur son caractère.
- Vous êtes au courant de sa vie privée ? vous avez de la chance, jamais un mot et pourtant, vous avez raison, elle a une vie, d’après certains, cette vie n’est pas privée d’émotions et du reste.
- D’après certains ?
- Alain nous fait des confidences durant les promenades, il est gentil ce garçon, un peu timoré mais gentil.
- Et que raconte ce gentil garçon timoré ?
- Il parle des liens curieux qui unissent et déchirent les deux voisins, remarquez je comprends Albertine, Hubert est un rustre mais il représente le mâle tel qu’une femme le désire, une espèce en voie de disparition, d’ailleurs son beau-frère Maurice est également un beau spécimen, encore plus rustique, genre homme préhistorique.
- Vous aimez la brutalité.
- N’exagérons rien, la virilité est un peu aux abonnés absents chez les hommes, étonnez-vous que nous prenions des initiatives.
- Vous me faîtes peur, je regrette d’avoir accepté de vous reconduire.
Karine se tourne vers moi et part d’un grand rire.
- Soyez tranquillisé, vous êtes un gars d’allure sympa mais pas du tout mon type d’homme, en revanche vous plaisez beaucoup à maman...et à grand-mère.
- Tous les goûts sont dans la nature, puisque vous parliez de virilité chez l’homme, sachez que personnellement je n’aime que les femmes réellement féminines, celles qui ont besoin de protection, de tendresse, je ne dois pas être le seul mâle dans ce cas.
Je viens de porter un coup qui a fait mouche, la cavalière se tasse sur le siège et se tait ; comme nous venons d’aborder la départementale, je pousse les vitesses et dépasse largement le maximum autorisé.
- Merci pour le voyage...et pour la leçon, à votre avis, je devrais réviser mon jugement sur les bonshommes?
- Je n’ai aucun conseil à formuler, vous verrez à l’usage, vous avez la chance de n’être qu’une débutante mademoiselle Duchet.
C’est le coup de grâce, l’arrogance fait place à une moue de petite fille contrariée.
- Samedi prochain, je suis aux Barrettes une grande partie de l’après-midi, si vous avez encore des questions à poser à Albertine...ou à moi.
Liliane vient vers nous.
- Vous vous connaissez à peine et vous avez tant de choses à vous raconter...venez boire quelque chose monsieur Passy.
Karine a bien jugé, sa chère maman me dévisage comme si elle ne m’avait jamais vu, pourtant son regard reste cantonné au-dessus de la ceinture, encore un adage à revoir.
- Les jeunes filles sont insensées, ce sont elles qui choisissent à présent, ce n’était pas le cas pour nous, vous pensez.
- Vous le regrettez ?
- Oh monsieur...Laurent.
Je bats en retraite, tant pis si je passe pour un dégonflé, je sais trop bien ce qu’une aventure de ce genre peut générer comme ennuis « Avoue que si une artiste peintre t’avait fait le même cinéma, tu aurais craqué » mon côté pile m’asticote un peu, j’ai le droit de choisir moi...
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