Les yeux de la lune
Mademoiselle Lonny était anxieuse, depuis deux mois, elle n’avait plus de nouvelles de sa sœur qui habitait du côté d’Avignon.
- J’ai écrit à son voisin, il ne m’a pas répondu, je vais profiter des vacances de Pâques pour descendre, je veux savoir.
- Méfiez-vous, vos papiers.
- Je prends le risque, il faut toujours compter sur la chance dans la vie et de ce côté je ne me plains pas trop.
C’est le dimanche des Rameaux que l’institutrice prenait le train, direction le Vaucluse, j’allais l’accompagner à la gare et lui souhaitais bon voyage.
- Christophe Martin ?
Je débouchais de la ruelle, sortant de chez Marinette et je tombais nez à nez avec quatre hommes. Ce n’étaient pas les mêmes que ceux qui avaient embarqué Pierrot, deux civils et deux militaires mais je savais tout de suite à qui j’avais à faire.
Mon premier mouvement était de faire demi-tour mais un officier avait la main sur la crosse de son revolver, ces pourris n’hésiteraient pas à tirer.
Que me veulent-ils ? mes visites à Marinette seraient-elles interdites ?
- Ce nom vous dit quelque chose ?
L’un des hommes en noir me tendait un carton, ce n’est pas ce qui était écrit que je voyais réellement, mais l’écriture, la fameuse écriture du corbeau.
- Alors, Hélène Lonny, c’est bien l’institutrice, vous avez de nombreux contacts avec elle, pourriez-vous me dire où elle se trouve actuellement ?
Je bredouillais, parlais de voyage dans le nord.
- Vous mentez, elle a pris un billet pour Lyon, ensuite, sa destination ? Accompagnez-nous chez elle.
Un milicien me poussait dans la voiture sans ménagement. Arrivé à l’école, la même brute donnait un coup d’épaule dans la porte d’entrée du logement de l’institutrice. J’aurais voulu que le panneau de bois résiste, que le salopard se blesse mais la serrure cédait facilement.
Rageusement les deux miliciens ouvraient les placards, vidaient les tiroirs, ils mettaient la main sur des lettres.
- C’est bon, nous avons des adresses...allez du balai morveux.
Je filais sans demander mon reste, passais à côté du véhicule...
Je tirais comme un forcené, ce sacré couteau suisse ne voulait plus sortir, j’avais donné un tel coup dans un pneu que la lame était entrée presque entièrement...enfin, à deux mains et m’aidant d’un pied, je parvenais à récupérer mon arme. Un sifflement significatif confirmait la réussite de mon sabotage, je voyais avec plaisir l’avant du véhicule prendre un air penché et me carapatais.
Ma première intention était de rentrer chez moi puis l’envie de voir la réaction des quatre hommes me guidait vers un bosquet de noisetiers situé au-dessus de la place. Je faisais le tour et m’installais dans ce poste d’observation.
Quelques minutes d’attente, les quatre types sortaient, l’un des militaires s’apercevait immédiatement de la crevaison. Calmement, les deux civils démontaient la roue et la remplaçaient par la roue de secours. Je n’entendais pas leur conversation mais leur attitude laissait apparaître qu’aucun n’avait pensé à un sabotage, cette crevaison leur semblait naturelle. Je me sentais frustré, j’aurais dû percer deux roues, les quatre même, ils auraient compris...une prochaine fois.
J’attendais le départ de l’équipage pour foncer vers la ferme.
- Reprends ton souffle.
Edouard était dans la grange et je venais lui confirmer la traîtrise du receveur.
- Quel être malfaisant et dire que nous ne pouvons pas agir, les maquisards non plus, ce serait trop dangereux pour les gens du village.
- Un accident !
- Il ne sort jamais ce rat, Simone aussi a reçu des lettres anonymes, lui disant que je la trompe.
- Et c’est faux.
- De quoi je me mêle, est-ce que je vais voir ce que tu fais dans la chambre de Marinette ?
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