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Les yeux de la lune

La maison bleue était habitée, madame Gaudron avait attendu que l’hiver s’estompe pour s’installer. Pourtant, je venais d’apprendre que durant les grands froids, un groupe de maquisards avait occupé les lieux, Edouard me l’avouait alors qu’il avait abusé de la mirabelle.

- Et puis merde, t’es plus un mioche, ton grand-père n’avait plus de motif valable pour se rendre vers la forêt, c’est Maurice et moi qui avons pris le relais pour les approvisionner en victuailles et en tabac. La maman de Lily était au courant, ils sont restés sagement au sous-sol et seulement pendant les nuits glaciales, ça fait plaisir, il n’y a pas que des collabos en France.

- En Belgique non plus.

- Comme tu dis...mais je me considère comme Français, d’ailleurs Pierre-Louis mon fils est Français, alors...

- Tu as vu Pierrot ?

- Non, il est dans un autre secteur, les chefs n’ont pas voulu le garder dans les parages, il aurait eu envie de revenir au village et c’était dangereux.

- Et Michel ?

- Il se fait discret, ta maison est peut-être surveillée.

Je n’avais osé demander des nouvelles à maman, le chef de la résistance n’était plus revenu chez nous, j’en étais pratiquement certain. Pourtant, maman avait une attitude curieuse, parfois elle chantonnait, puis quelques minutes après son visage se fermait, elle ne parlait plus.

 

Depuis le début de cette année 44, le trafic sur la ligne de chemin de fer s’intensifiait, des convois souvent tractés par deux locomotives et composés en majorité de wagons plats aux chargements recouverts de bâches.

- Les boches renforcent leurs défenses sur les côtes normandes, ils nous imitent et construisent une sorte de ligne Maginot, pourvu que leur mur craque ou soit contourné comme le nôtre.

- Les Américains et les Anglais ne sont pas fous, ils ne vont pas débarquer là où il y a des canons.

C’est au café du Centre que les hommes du village discutaient de la guerre, le dimanche à la sortie de la messe, c’était une étape obligatoire et, depuis deux ans, j’avais la permission d’accompagner grand-père et Edouard dans cet endroit bruyant et enfumé. Marinette, la serveuse, virevoltait entre les tables, les clients ne pouvaient s’empêcher de lui caresser les jambes et de lui tapoter les fesses à chacun de ses passages. La demoiselle se défendait mollement, j’avais l’impression qu’elle appréciait le contact et un jour je me risquais à imiter Edouard et les autres.

- Vl’à que tu t’y mets aussi gamin, t’es précoce.

Marinette me grondait mais le dimanche suivant, elle venait me frôler, me provoquer et je n’hésitais plus à passer ma main sous ses jupes. Sa peau nue était douce, j’avais des frissons.

- Viens me voir sur le coup de quatre heures, la patronne prend le relais, tu sais où je loge, au-dessus du garage, tu montes par la terrasse à partir de la ruelle.

Marinette m’avait intercepté alors que je sortais.

 



24/05/2013
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