Les yeux de la lune
Pierrot mettait son projet à exécution, il rejoignait les maquisards, Michel Desforges avait immédiatement accepté de le prendre dans son groupe.
J’étais un peu jaloux de voir mon copain rejoindre les résistants, maman l’avait compris.
- Si veux me rendre folle, déjà que...
- Que tu te fais du souci pour Michel.
Voir maman rougir comme une gamine me gênait, je changeais de conversation, parlant de la moisson.
- Si ton père te voyait travailler dans les champs...enfin, quand cette guerre sera finie, tu reprendras des études sérieuses, les cours de mademoiselle Lonny sont tout de même limités.
Limités peut-être mais soutenus, l’institutrice était restée au village durant les grandes vacances, elle s’y trouvait à l’abri.
- Tu connais ma situation, voyager par les temps qui courent, être obligé de présenter ma carte d’identité.
- Votre religion n’est pas indiquée sur vos papiers tout de même.
- Pas vraiment mais je me méfie, un ami policier m’a dit que certaines marques visibles pour des initiés figurent sur les papiers, un petit signe distinctif fait à l’origine ou à l’occasion d’un contrôle.
- Avez-vous eu des nouvelles de Kurt ?
- Aucune, j’espère qu’il ne lui est pas arrivé malheur, les opposants au régime hitlérien sont liquidés dans toute l’Europe, les juifs ne sont pas les seuls victimes de ce barbarisme...
- Et dire que certains Français sont complices.
- Pas seulement ceux qui s’affichent, ceux qui ferment les yeux, qui veulent ignorer la réalité ne valent guère mieux.
- Quand nous serons libérés, ils auront des comptes à rendre.
- A qui ? Beaucoup de résistants ne verront pas leur pays libéré.
Grand-père m’avait déconseillé de chercher à revoir Pierrot.
- Tu pourrais être épié, il faut se méfier de tout le monde, c’est terrible...je peux te dire qu’il va bien, qu’avec ses amis, il prépare activement la libération, d’après leur chef, les alliés fourbissent leurs armes en Angleterre, début de l’année prochaine, ils pourraient débarquer sur nos côtes.
- Où ?
- Probablement sur le littoral méditerranéen.
- Ils vont faire le tour par Gibraltar, c’est impensable.
- Tu as raison gamin, alors ce sera plutôt en Bretagne.
J’étais heureux de bavarder avec mon aïeul, il ne me considérait plus comme un gosse, je lui faisais plaisir en lui demandant de me parler de Verdun, de cette terrible bataille.
- Un cauchemar, et pourtant je n’ai pas été longtemps sur le front, vu mon âge, j’étais guetteur sur une tour de la cathédrale, je surveillais les impacts d’obus mais combien d’hommes m’ont parlé de l’enfer des tranchées, combien ne sont pas revenus pour me raconter la suite...
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