Les yeux de la lune
Difficile de conserver un secret, plusieurs fois j’avais eu envie de parler des clandestins à Pierrot mais je me mordais les lèvres. L’actualité allait me donner l’occasion de dévoiler ce que je savais.
- Christophe, viens voir ce que les mioches ont piqué aux boches.
Pierrot m’entraînait vers une cachette que seuls les gamins du village connaissaient, c’était un ancien réservoir d’eau potable, une citerne dans laquelle ont pouvait descendre par une échelle en fer ; l’ouverture était étroite et une seule fois je m’étais aventuré dans ce trou noir, jurant de ne plus jamais y descendre.
- Regarde, une caisse de grenades.
A l’aide de sa pile électrique, Pierrot me dévoilait une caisse où figurait une tête de mort.
- Faudrait les donner aux maquisards.
Je parlais de Michel Desforges et de ses compagnons.
- Demain on y va tout les deux, en attendant, on va condamner l’ouverture, je vais chercher un cadenas à la ferme, dès fois que les gosses fassent des conneries.
- Des grenades, nous sommes preneurs, mais pas question de vous balader avec cette marchandises, c’est trop dangereux, cette nuit, sur le coup de onze heures, deux de mes hommes viendront sur place, indiquez-moi l’endroit.
Je ne pouvais sortir à une heure aussi tardive, maman aurait refusé, Pierrot et Michel se mettaient d’accord, les deux maquisards viendraient jusqu'à la baraque du cantonnier, Pierrot les guideraient vers la cache.
J’avais hâte de savoir si la récupération s’était bien passée mais en arrivant dans la cour de la ferme, j’avais une mauvaise surprise, un véhicule militaire stationnait devant le perron.
- Christophe, vient par ici...qu’avez-vous fait ?
Edouard m’interceptait et m’invitait à entrer dans la porcherie.
- Les boches voulaient voir Pierrot, ton grand-père palabre avec eux...les voilà, ils sortent.
Deux hommes en noir et deux officiers allemands poussaient sans ménagement mon copain vers la voiture, je tremblais comme une feuille mais j’avais envie de courir vers le groupe.
- Fais pas le con, un ça suffit...
Edouard me serrait fortement le bras.
L’équipage nous passait sous le nez, j’avais réussi à distinguer le visage de Pierrot, il m’avait paru serein.
- Quelle est cette histoire de grenades ?
Je racontais tout à grand-père.
- Laissez donc les grands s’occuper de la guerre...comment ces salauds ont été avertis ? tu as parlé de ça à qui d’autre.
Je soutenais que notre démarche au grand parc afin de rencontrer les clandestins n’avait pas été divulguée.
- Un espion chez les maquisards, c’est malheureusement possible.
Plus le temps passait et plus l’anxiété grandissait, je savais qu’Edouard était parti vers la forêt afin de prévenir Michel Desforges.
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