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Les yeux de la lune

Yvette et Samuel venaient de déménager, j’avais été réquisitionné pour transporter quelques valises de la gare à la maison de tante Félicie.

- On a pas grand chose, juste des affaires personnelles, espérons que cette situation ne durera pas.

Ma cousine Yvette avait un sourire chevalin disait grand-père.

- C’était une belle pouliche quand elle était jeune.

Quant à Samuel, il était discret et poli, toujours tiré à quatre épingles, il s’exprimait bien.

- Yvette a insisté pour que nous prenions une certaine distance avec la capitale, il ne faut pas croire tous les ragots, mes derniers contacts avec l’occupant ont été courtois.

 

La maison ‘Bleue’ était en chantier, plusieurs artisans se succédaient.

- Paraît que la Gaudron installe le chauffage central, vous vous rendez compte, l’argent qu’elle gagne avec son cul, celle-là, à la libération elle va payer.

Les dames du lavoir étaient intéressantes à écouter mais les garçons n’avaient pas le droit de pénétrer dans ce sanctuaire de la lessive, où alors ils risquaient de se faire copieusement arroser.

- Allez ouste les gamins, vous n’avez  pas à traîner derrière nos jupes.

Il est vrai que si les jambes de la majorité des laveuses n’offraient aucun intérêt, deux ou trois dames valaient la peine d’être admirées quand elles étaient agenouillées dans leur baquet. C’était le cas de la femme du chef de gare, une brune aux cheveux fous, aux yeux de braise et aux fesses proéminentes. Nous étions quelques uns à avoir un peu de temps libre pour venir nous poster à l’arrière du lavoir quand la dame s’y trouvait. En écartant soigneusement les orties et en collant l’œil à un endroit précis où les pierres étaient disjointes, il était possible d’apercevoir un arrière-train appétissant.

- J’ai vu sa petite culotte, elle est rose.

Chacun avait sa part de spectacle, quittant cet endroit, il n’était pas rare que je fonce vers la chènevière et ses cabanons dans l’espoir d’y retrouver Jacqueline, où bien que j’aille louvoyer dans la rue du Pont en souhaitant que Thérèse me hèle. Ces deux femmes m’exaspéraient, Jacqueline ne voulait rien savoir durant une longue période mensuelle, peur d’être enceinte, Thérèse continuait à me traiter comme un objet occasionnel, durant plusieurs semaines elle me fuyait. Cette situation motivait mon envie de trouver une troisième maîtresse, l’idée de tenter ma chance avec la femme du chef de gare me trottait dans la tête. 

 

Averti que madame Gaudron était à Brécourt afin de surveiller les travaux de sa maison, je me débrouillais pour la rencontrer.

- Oublie Lily mon garçon, elle allait mieux c’est vrai mais cet hiver elle a fait une rechute, elle est de nouveau hospitalisée.

- Je pensais que vous aviez acheté la maison Bleue pour qu’elle vive à l’air pur.

- C’était l’une des raisons, mais malheureusement, je crains qu’elle ne puisse pas venir ici avant plusieurs mois, voire des années…peut-être.

Maman à qui je me confiais avait le même langage.

- A ton âge tu ne peux t’accrocher à une fille aussi fragile, c’est triste mais imagine qu’elle disparaisse…nous n’avons toujours pas découvert l’auteur des lettres anonymes, je doute que ce soit le facteur, ou alors c’est un sacré faux-jeton, reste mademoiselle Mannot ou le receveur, ou sa femme, qui sait.

Maman avait toujours l’art et la manière de changer de conversation, d’abandonner un sujet pour en aborder un autre. Elle avait certainement raison, je devais oublier Lily…qu’elle disparaisse ? Une telle issue me ferait tout de même souffrir, mon aversion pour la mort était encore plus forte quand elle fauchait des êtres jeunes.

…………..



29/04/2013
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