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Les yeux de la lune

L’hiver se prolongeait, Pierre-Louis changeait, il souriait, babillait alors que son père était en admiration devant lui.

- Aussi beau que moi, aussi intelligent que Simone.

 

La terrible nouvelle venait d’arriver, grand-père Emilien était parti pour le grand voyage, les trois jours qui suivirent  furent un véritable calvaire, j’étais arrivé à Ligneulles  juste avant que le corps soit mis en bière.

- Nous voulions que tu le vois une dernière fois.

J’en voulais à grand-mère et à maman de m’avoir obligé à embrasser un visage livide et glacial, ce n’était plus mon grand-père, lui était déjà au ciel.

- Il avait fabriqué son cercueil le mois dernier, avec du bois de chêne qu’il avait mis de côté depuis des années.

Curieusement, Bayard tombait malade le jour même de l’enterrement de son maître, le vétérinaire ne pouvait rien faire.

- Il est au bout de sa vie…quelques jours.

 

Maman avait un gros problème et j’étais le seul à pouvoir la comprendre.

- Pourvu que le message n’ait pas été diffusé pendant notre absence, comment pourrions-nous le savoir ? Maurice, c’est le seul en qui nous pouvons avoir confiance.

- Maurice, le marchand de grains ? c’est bien le dernier à qui je ferais des confidences.

- Détrompe-toi Christophe, il cache son jeu…je sais que je peux compter sur ta discrétion, tu es comme ton papa, de parole…Maurice, c’est lui qui s’est occupé de Michel Desforges, il venait de charger un wagon de paille en partance pour Lyon, une belle cachette.

- Il écoute Radio-Londres ?

- Depuis le 18 juin, le jour de l’appel du général De Gaulle.

Nous étions partis  bras dessus bras dessous pour donner le change,  je trouvais que maman était la plus jolie des femmes et qu’elle ne changeait pas, elle était fière de moi et heureuse d’entendre les passants dire que je ressemblais à papa.

- Tu sais c’est un compliment, il était nettement mieux que sur les photos, son regard   clair et profond, comme le tien.

                       Nous venions d’arriver à destination sans en avoir l’air.

- On dirait des amoureux, c’est rare de vous voir dans ce quartier…encore un problème.

Maurice se doutait bien que notre incursion aux alentours de la gare avait un motif autre que la promenade.

- Non…un tel message m’aurait mis la puce à l’oreille et l’eau à la bouche, je donnerais mon âme au diable pour une bonne omelette au jambon comme seule ma mère savait la préparer.

Les paraboles, dictons et autres foutaises que Maurice employaient à longueur de conversation me semblaient tout à coup sympathiques.

- Si j’entends cette phrase, je te le fais savoir…fais gaffe, les murs ont des oreilles, et chez toi ce serait plutôt le plafond, tu sais qu’écouter les Anglois déplaît aux Saxons.



08/04/2013
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