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Pierre-Louis venait de faire son apparition au grand jour, un garçon tout fripé et sans aucun cheveu.

- Quel drôle de prénom.

- Nous avons associé celui de ses deux grands-pères, Edouard voulait l’appeler Pierre comme son père, papa aurait été vexé tu comprends mon petit Christophe.

Simone était radieuse, quant à Edouard il avait l’air d’un ballot, il ne savait comment prendre son rejeton dans les bras et il lui faisait des simagrées ridicules, grand-père était mi-figue mi-raisin.

 - Il n’y aura pas beaucoup de gosses nés en 42, si, quelques bâtards, comme le petit Slavo-Germain  qui vient de venir au monde.

                        Grand-père avait parfois des remarques désobligeantes.

- Une lettre pour toi.

J’étais étonné de l’émoi que ne pouvait cacher maman, mais, à peine avais-je pris l’enveloppe qu’elle me brûlait la main…l’adresse avait été rectifiée et je reconnaissais les lettres rapportées, identiques à celle de la missive calomnieuse reçue par mes grands-parents.

- Tu étais au courant, maman ?….elle  était pâle.

- Au courant de quoi, et toi pourquoi trembles-tu ?

- Le corbeau…qui a écrit à Ligneulles.

- A Ligneulles, mon Dieu le salaud, et que disait ce…billet ?

Maman ignorait le courrier arrivé à Ligneulles, comme j’ignorais celui qu’elle avait reçu à peu près à la même époque et où l’infâme fustigeait l’attitude d’une Française.

- Le facteur, c’est lui, il cachait bien son jeu.

- Le facteur ou le receveur, ou mademoiselle Mannot, quelqu’un de la poste en tout cas.

- Tu as raison, ces trois personnages peuvent être soupçonnés…ouvre donc ton courrier.

C’était Lily, elle m’écrivait du sanatorium, me disait qu’elle allait mieux et que dans quelques mois elle espérait rejoindre une maison de repos au bord de la mer.

- Sais-tu que sa maman vient d’acheter la maison « bleue ».

- Pour y habiter en été je parie.

- Non, madame Lenoir me disait qu’elle allait s’installer ici jusqu’à la fin de la guerre, peut-être en prévision de reprendre sa fille avec elle, au moins Lily sera à la campagne.

- Et tout près de la forêt.

La maison dite « Bleue » était située à environ cinq cent mètres du village, dans un petit vallon agréable, proche du bois des Trois Coupes, c’était une maison basse et assez vaste, coiffée d’un toit d’ardoises. Elle était flanquée d’une sorte de tour percée de petites ouvertures et se prolongeait vers l’arrière par une grange aux pans de bois disjoints. Le dernier occupant de cette demeure était un original, éleveur de chèvres, fabricant de fromages et grand spécialiste des champignons, les ramasseurs du village allaient le consulter pour avoir des renseignements sur leur récolte et pourtant l’homme fut retrouvé mort empoisonné. Quelle peur rétrospective pour la moitié de Brécourt mais grand-père avait sa petite idée sur ce drame.

- Il connaissait le champignon qui tue sans douleur, le pauvre vieux n’avait plus rien pour se raccrocher à la vie.