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Le plus jeune des Galley est complètement différent de son frère. Physiquement c’est visible, aussi grand mais plus carré d’épaules, cheveux noirs légèrement ondulés, petite moustache, une certaine élégance. Il parle avec exubérance, remue les bras comme des moulins.

- Mon frangin est un soucieux, cela se répercute sur sa santé, moi j’estime qu’il faut éviter de se prendre au sérieux, la vie n’est qu’un passage, il faut savoir profiter des bonnes choses pour oublier les mauvaises.

Cela devient une manie, je cherche à savoir si les frères Galley sont informatisés. Ils le sont et à nouveau je découvre une imprimante H.P. Une femme m’a affirmé Daniel, Jean est marié, par contre je crois savoir que Jacques est divorcé.

- Alors, où en êtes-vous ? Julien vous a parlé de Fernand Maillard et de son magot, je me demande si quelqu’un a mis la main dessus, le bûcheron pourrait avoir perdu la vie pour ça, un autre  aurait découvert la planque.

- Vous avez des soupçons ?

- Comme vous y allez, ils étaient plusieurs à le fréquenter et à connaître l’avarice du bûcheron, à commencer par Tito.

- Tito, un Yougoslave ?

- Vous avez compris l’astuce, en effet, un Yougoslave, de son vrai nom Joseph Radzic, un gars d’une trentaine d’années, il travaille souvent pour nous, un bosseur, sauf quand il a un coup dans le nez.

- Pourquoi ne pas m’avoir parlé de ce monsieur lors de notre rencontre ?

- J’attendais qu’un autre que moi le fasse, Julien, ou Isabelle, ils ont oublié.

- Et ce...Radzic aurait pu être avec la victime le jour de l’accident ?

- C’est la question que nous nous sommes posée, normalement il ne devait pas se trouver dans le secteur de la source, d’ailleurs il était au repos, la veille il avait fêté un anniversaire, il lui fallait une bonne journée pour se remettre de ses émotions. Plusieurs personnes l’ont vu se promener avec sa moto dans les rues de Mauzieux ce jour-là ; impossible de se tromper, sa vieille pétrolette fait un bruit d’enfer, il est passé dans la matinée et en début d’après-midi.

- Vous l’avez vu, vous aussi ?

- Non, j’étais en ville.

- Concernant Monsieur Garassaux père votre opinion ?

- Je vous attendais, c’était de notoriété publique qu’Albert avait quelques aventures, souvent sans lendemain sauf avec...

- Elisa.

- Vous avez de bons informateurs, la jolie brune, la femme du receveur des postes, c’est vrai, c’était un secret de polichinelle...alors de ce côté-là,  des suspects, vous allez en ramasser à la pelle, tenez, je l’avoue, je fais partie du lot de ses admirateurs. Manque de chance ou précipitation, jusqu'à présent j’ai échoué mais je n’ai pas dit mon dernier mot. Vous l’avez déjà rencontrée ?

- Non, et à votre avis, où pourrais-je apercevoir cette beauté ?

- C’est une cavalière chevronnée, elle monte régulièrement au club hippique des Grands Bois,  à Longy, un petit village de l’autre côté de la colline. Je voulais faire du cheval pour arriver à mes fins mais je suis trop lourd et puis, à mon âge.

Je salue Jacques Galley en lui demandant de transmettre mes vœux de rétablissement à son grand frère.

Le café de la Vallée est calme, une seule table est occupée, deux anciens sirotent leur canon, ils bougent à peine en me voyant entrer ; le patron du troquet baille comme une carpe, il me sert un Coca sans enthousiasme.

- Les grands froids vont arriver.

- Ouais, c’est normal... c’est la saison.

Mes tentatives pour entamer un dialogue tombent à plat, j’abandonne.

Par contre, la scierie est en pleine effervescence, des camions de grumes déchargent des billes impressionnantes, deux semis immatriculés en Belgique  chargent des piles de bois sciés.

De son « pigeonnier », le patron m’a aperçu, il  vient à ma rencontre.

- Regardez-moi ces chênes, ils proviennent d’une forêt privée,  nous voulions les acheter il y a plus de cinq ans, mon père n’avait pas réussi à conclure, le propriétaire a enfin accepté de traiter avec moi... alors, quoi de neuf ?

Je fais part de la décision de Madame Lemarquis.

- Sébastien mis à la porte ? surprenant, le gamin n’a pas fait l’affaire.

- Dans quel domaine ?

- Vous comprenez ce que je veux dire, Isabelle a toujours eu des priorités qui ne sont pas celles de son entreprise...comme beaucoup de femmes d’ailleurs, c’est pour cela qu’elles sont dangereuses en affaires, quelques fois irrationnelles...elle vous a fait du charme ? excusez-moi, je suis curieux.

- Radzic fait partie de vos relations d’affaires ?

- Tito ? oui, il travaille pour nous de temps à autre, un dingue au boulot mais un sacré bringueur et puis voilà un gaillard qui plaît aux femmes. Il est à Mauzieux depuis une dizaine d’années, il est arrivé avec une équipe de bûcherons Serbes pour exploiter une importante sapinière, les autres ont regagnés leur pays, lui est resté. Il a trouvé une terre d’accueil à sa mesure, garçon sympathique, beau gosse, costaud, gagnant bien sa vie, toutes les  qualités requises pour intéresser quelques femmes, mariées de préférence... si lui avait été occis, les gendarmes auraient eu l’embarras du choix au niveau des suspects, maintenant, le soupçonner ?

- Parmi ses...admiratrices, Isabelle Lemarquis ?

- Je n’ai aucune certitude mais je pense qu’elle pourrait faire partie du lot...depuis qu’elle est veuve, entendons-nous bien.

- Le jour de la mort de Maillard, le Serbe a été aperçu dans le bourg.

- C’est ce que la rumeur publique affirme, c’est vrai qu’avec son engin, il se fait entendre l’animal.

J’ai la conviction que je devrais m’intéresser de près à ce Tito alias Radzic. Collègue de Maillard, probablement rival d’Albert du côté d’Elisa et amant d’Isabelle, le point commun passe par lui.

- L’adresse de Radzic ?

- Il rentre chez lui uniquement pour dormir, seul moyen de le débusquer, le café des Joncs, c’est son quartier général mais pas aujourd’hui il est sur un chantier d’abattage à dix kilomètres d’ici.

Quelques flocons blancs virevoltent dans un ciel gris et bas, il vaut mieux quitter les lieux, regagner une route fréquentée, celle que je dois emprunter pour sortir de Mauzieux doit être pénible par temps de neige.