Les yeux de la lune
La visite de madame Lenoir m’inspirait de la crainte, j’étais certain que cette dame au visage triste venait nous annoncer une mauvaise nouvelle.
- Ca ne va pas mon grand.
J’étais bouleversé, apprendre que Lily ne pourrait venir à Noël était un coup dur, mais il y avait pire.
- Elle est dans un sanatorium, en Auvergne.
J’avais compris, la tuberculose, même si madame Lenoir n’avait osé prononcer le nom de cette terrible maladie.
- Tu l’aimes à ce point ?
Depuis longtemps je ne me confiais plus à maman mais cette fois je lui parlais de mes tourments.
- Il est vrai que cette infection est contagieuse, qu’elle peut se transmettre par les baisers mais c’était à Pâques, la demoiselle n’était pas encore porteuse du microbe..., peut-être pas, pour plus de sécurité, je vais demander à mon amie Hélène, tu sais celle qui travaille à l’hôpital, tu pourrais éventuellement passer un examen, nous serions tranquillisés.
Radio, prise de sang, prélèvement de salive, les analyses étaient négatives et je respirais, Hélène me faisait la leçon.
- Tu vois à quoi s’expose les jeunes hommes libertins, et tu sais qu’il existe des maladies toutes aussi virulentes qui se transmettent par d’autres voies, prends garde.
J’avais compris le message, Thérèse...Jacqueline...sans danger, à moins qu’elles aient de mauvaises fréquentations.
…………
Noël était la fête de paix, après quelques palabres, grand-père avait accepté que maman invite Kurt pour le réveillon.
- D’accord mais chez vous, je n’ai aucune envie que les voisins voient ce monsieur entrer dans notre ferme.
Mademoiselle Lonny était également invitée, elle m’avait dit que cette année elle n’irait pas dans sa famille basée en zone libre.
- Une impression bizarre, alors que la guerre est bien présente partout en Europe et même ailleurs, les gens du midi vivent comme sur une île, ils sont presque tous pour Pétain naturellement...non, je me sens plus à l’aise ici, plus solidaire de ceux qui souffrent.
- Vous excusez moi, moi protestant, pas allez à l’église.
Simone avait bien essayé de démontrer qu’il était tout de même chrétien, que Noël était une fête commune mais l’Allemand restait sur ses positions. Le plus étonnant c’est que mademoiselle Lonny refusait également de se joindre à nous.
- Si vous permettez, je reste avec monsieur Wagner.
- Dans ce cas, je peux vous demander de préparer la table pour notre retour, je vais vous montrer ce qu’il faut faire.
- Bien entendu.
Simone avait quelques difficultés à monter la côte de l’église mais elle avait tenu à venir. Sa grossesse se passait bien, Edouard se montrait plus attentionné qu’avant, se levant tôt pour traire les vaches.
- Dans un mois tu auras un cousin, ou une cousine, que préfères-tu ?
Un bébé, un enfant beaucoup plus jeune que moi, aucun intérêt.
- Magnifique !
Les deux invités avaient décoré la table de branches de sapin piquées de bougies.
- C’est Isabelle faire décoration, moi couper sapin.
Isabelle ? je savais que c’était effectivement le prénom de ma préceptrice...
La nuit se prolongeait, Simone et Edouard nous avaient quitté, grand-père parlait de sa guerre, la grande, Kurt, certainement par politesse l’écoutait. Mademoiselle Lonny aidait maman à faire la vaisselle et, comme c’était souvent le cas, j’essuyais les assiettes et les couverts.
- Laisse les verres en cristal, je m’en charge, trop fragiles.
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