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Les yeux de la lune

…………

Chaque jour apportait son lot de nouvelles, bonnes ou mauvaises, celle qui parvenait à nos oreilles était à classer parmi les pires, Samuel avait disparu.

- Il a quitté son travail comme d’habitude à 18 heures mais personne ne l’a vu passer sur le pont.

La scierie était située de l’autre côté de la rivière, de nombreuses personnes étaient près du pont à cette heure-là.

Des recherches étaient entreprises le long de la rivière, un cours d’eau au plus bas en cette saison.

- Impossible de se noyer dans vingt centimètres de flotte, il a du prendre le chemin des chènevières.

Aucune trace de mon cousin, les suppositions allaient bon train.

- Il a été enlevé par les boches, avec son étoile...

- Je n’ai pas entendu de voiture, pour moi il est remonté vers la forêt.

Plus de deux heures de recherches à l’entrée du bois, le jour baissait, Yvette allait passer une  nuit difficile.

Le lendemain, je me joignais à un groupe d’ouvriers de la scierie et de bûcherons, monsieur Vernet  distribuait les rôles.

- Comme si vous traquiez le sanglier, souvenez-vous avant la guerre.

Trois jours de traque sans succès, Samuel s’était volatilisé. 

 

- Tu peux me prêter ton couteau suisse ?

Robert, le gamin qui me faisait cette demande faisait partie des plus virulents à l’égard des boches, il était le chef d’une petite bande qui sans cesse jouait des tours aux militaires qui se déplaçaient à bicyclette. Les gosses crevaient les pneus, enduisaient les guidons de bouse de vache, sectionnaient même des rayons.

- Pourquoi faire ?

- Prête-moi le, tu verras.

Je montais vers le verger de grand-père quand Robert m’avait interpellé devant l’école des garçons. Un camion chargé de choux attendait le responsable de la bascule pour la pesée. Chaque jour, depuis que les champs de choux étaient en pleine récolte, plusieurs camions transitaient vers la place.

Je prêtais mon couteau à Robert et prenais de la distance, à peine le camion était pesé et alors qu’il démarrait, le gosse courait à l’arrière du véhicule et sectionnait les cordes qui maintenaient le chargement. Il venait me rejoindre derrière un bosquet.

- On va rigoler.

En effet, c’était amusant, la bâche relâchée, plusieurs choux énormes tombaient sur la route et roulaient vers le caniveau ; prenant de la vitesse et abordant un tournant, le camion semait de plus en plus de choux. Les riverains sortaient pour assister au spectacle alors que le chauffeur ne se rendait pas compte de l’incident. Un Allemand pédalait comme un fou pour rattraper le véhicule, zigzaguant entre les choux mais ce qui devait arriver arriva, il heurtait un obstacle et s’étalait de tout son long.

Mon couteau suisse avait déjà servi à crever un pneu ennemi, cette fois il avait encore participé à un acte de guerre, pas si neutre que ça, je le refermais et l’enfouissais au fond de ma poche, grand-père m’avait fait un beau cadeau.

Cet incident n’avait pas eu de conséquence, les Allemands pensaient à une défaillance des liens, c’est ce qu’ils avaient dit au maire venu constater les dégâts.

 



21/06/2013
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