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Les yeux de la lune

Monsieur Decroix avait décidé de rendre sa blouse grise, légalement il venait d’atteindre l’âge de la retraite mais il aurait pu tenir sa place d’instituteur jusqu’aux grandes vacances, seulement il se plaignait de douleurs lombaires insupportables.

Nous attendions son remplaçant et, à notre grand étonnement, c’est une femme qui prenait le relais.

Mademoiselle Lonny était grande, plate comme une limande, des cheveux noirs, un nez en bec d’aigle et un visage ingrat. Heureusement, son sourire permettait d’atténuer cet aspect peu engageant, et puis ses  dents étaient plus blanches que la craie qu’elle utilisait avec dextérité, son écriture étant harmonieuse et régulière.

Nous avions testé sa capacité de résistance, elle avait rapidement prouvé qu’elle pouvait faire face à une vingtaine de garçons turbulents. Sa parfaite diction, sa patience et surtout l’allongement des récréations forçaient le respect.

Nous étions quatre à préparer le certificat avec de fortes chances de réussir mais elle nous mettait en garde contre un excès de confiance.

- Méfiez-vous, vous pouvez perdre vos moyens lors d’un tel examen.

 

Maman montait chaque matin faire le ménage chez Kurt Wagner, elle disait ne pas avoir grand chose à faire tant le locataire était propre et ordonné.

- Faut voir la salle de bains, à croire qu’il ne s’en sert jamais.

Pourtant, nous savions qu’il l’utilisait, nous entendions les bruits d’eau dans la canalisation.

- Si tu voyais les beaux livres qu’il possède dans sa bibliothèque !

- Mais ce sont des livres en allemand.

- La majeure partie oui, mais il y a également des Jules Verne et des Alexandre Dumas en Français.

Que pouvait faire un étranger avec de tels livres, j’avais une envie folle de monter à l’étage mais je m’étais juré de ne jamais faire cette démarche, tout comme je refusais les offres du chef de culture, m’invitant à prendre place dans sa calèche quand il allait inspecter ses champs. Des parcelles dont une majeure partie était plantée de choux et de petits pois, des denrées qui, à Brécourt, n’étaient cultivées que dans les jardins potagers.

 



01/03/2013
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