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Les yeux de la lune

Les Poutreux voulaient nous offrir le petit déjeuner, rien n’avait bougé chez eux, les portes n’avaient pas été forcées alors que chez leurs voisins elles étaient défoncées, les fenêtres étaient brisées.

- Non, nous continuons, nous avons hâte de voir comment c’est chez nous... j’étais d’accord avec notre guide, j’avais envie de retrouver le village, la maison, la grande cuisine.

Nous n’étions pas les premiers  revenus à Ligneulles, tout était en ordre chez mes grands-parents, rapidement le village retrouvait son activité, maman désirait rejoindre Brécourt le plus vite possible. Je pensais qu’elle me laisserait jusqu'à la fin des vacances mais ce n’était pas son intention.

- Tu es grand à présent, après une telle expédition, papa et maman ont grand besoin de repos.

C’est dans la camionnette d’un cousin marchand de cochons que nous reprenions la route, une odeur désagréable émanant de la caisse me donnait des envies de vomir, j’étais soulagé en arrivant au but.

 

 

 

Grand-père Louis était visiblement heureux de nous revoir sains et saufs, Simone et lui n’avaient pas été bien loin.

- A vingt kilomètres d’ici, nous étions déjà rattrapés par les boches…quelle panique mes enfants, jamais vu ça, c’était bien la peine de crever dans les tranchées en 14 pour en arriver là, que de morts inutiles.

Je m’étonnais de ne pas voir ma tante.

- Elle est chez son...fiancé...oui, un fils Develde, de la ferme des Noyers à Sonval.

- Elle l’a connu durant l’exode je suppose.

Maman était surprise.

- Oui.

- Mais il n’est pas mobilisé ?

- Non, il est Belge...il y a pire, Ferdinand...mort, son cœur a lâché, deux jours après l’évacuation, un choc, abandonner ses chevaux et ses vaches.

- Et Louisette ?

- Elle s’en remettra, seulement la ferme...c’est Simone et Edouard qui vont la reprendre, Louisette commence déjà à emménager dans la maison de feu ses parents.

Cette éventualité semblait plaire à grand-père.

- On vous laissera toute la maison, je vais m’installer aussi à la ferme, avec les jeunes, je n’ai pas  tellement confiance, les nuits au moment du vêlage, ça dort.

Je voyais un sourire sur les lèvres de maman, je savais que depuis longtemps elle désirait que nous soyons réellement chez nous, la cohabitation n’était pas désagréable mais, depuis notre installation à Brécourt, elle n’était pas la maîtresse de maison.

- Nous descendrons d’un étage, plus d’escalier.

 

Nous rendions visite à Louisette, ses vêtements noirs semblaient lui faire une taille plus fine.

- Comme ça, sans même dire au revoir, vous pensez, quitter sa ferme ça l’a démoli, c’est terrible, mais tu sais ce que c’est Catherine, tu es passée par là...j’espère que tu viendras tout de même me rendre visite de temps en temps mon petit Christophe, Ferdinand t’aimait bien, si seulement c’était not’gamin qu’il me disait souvent…d’un seul coup, il s’est effondré, jamais j’aurais pensé…

La veuve reniflait et se mouchait bruyamment.



13/02/2013
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