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Les Planchettes à la une

- C'était un bon...ami pour vous

- Vous avez trouvé le mot juste, un ami, pas du tout comme vous le pensez, ce qu'il recherchait c'était de l'amitié, de la chaleur humaine, nous bavardions des heures, il lisait beaucoup et me racontait le contenu de son  dernier livre, et gentil avec ma nièce, elle pleure encore la gamine, c'était un peu comme  son père...Inés, vient dire bonjour à ces messieurs.

Le rideau se soulève doucement, une jeune femme entre et vient nous saluer timidement, en baissant les yeux. C’est une réplique de sa tante, visage plus juvénile, cheveux noués à l'arrière, plus  fine; sa blouse Vichy déboutonnée en haut et en bas découvre deux endroits différents mais oh combien révélateurs; elle s'assoit sur le pouf, en face de nous, dans une position  désinvolte qui frise l'érotisme, mon voisin a le regard fixé sur un endroit précis, je suis également attiré par l'entrecuisse de la brunette mais aussi par l'échancrure généreuse de la blouse, vêtement qui, apparemment est la seule et unique protection.

- Vous me faites plaisir de revenir sur la mort de Bébert, j'avais pourtant dit à votre prédécesseur que je ne croyais pas à l'accident, il m'avait envoyé promener, un drôle de bonhomme celui-là, il voulait tout pour rien, hein Inés.

La jeune fille acquiesce de la tête.

- Je n’ai pas peur de le dire, il était trop copain avec les richards du canton, ils pouvaient faire les pires choses, il fermait les yeux et nous, la moindre bricole, c'était des menaces; il prétendait que je me livrais à la prostitution et que je jouais à la proxénète avec ma nièce; je fais ce que j'ai envie et Inés est majeure.

L'adjudant Monneret émerge et reprend du service.

- Expliquez à monsieur Passy les raisons de vos doutes?

- Je connais les hommes, et ceux des Planchettes n'ont aucun secret pour moi, je devine leurs pensées, la veille de sa mort, le lundi, Bébert était passé en montant chez  lui, il m'avait semblé étrange, je sentais qu'il avait quelque chose sur le cœur, je l'ai questionné, pour une fois il est resté muet; le lendemain, vers midi, il m'a apporté des roses, sur le coup j'ai cru qu'il avait cueilli celles de mon jardin, j'ai commencé par l'engueu... le disputer, puis je me suis rendu compte que c'était un véritable bouquet qui venait de chez la fleuriste; c'est un acompte qu'il me dit, chaque jour je pourrais t'en offrir un plus beau, même en plein hiver; je me suis dit, il perd la boule, il a ajouté, je te paierai le voyage que t'as envie de faire, au Mexique et  en Amérique du sud, nous irons tous les deux en amoureux...alors  je lui demandé, t'as gagné au tiercé? il m’a répondu, t'es trop curieuse Carmen...après impossible de lui arracher une parole; Inés déjà était couchée, il a été lui dire bonsoir en vitesse et  il est parti;  dans l'après-midi, j'étais dans le jardin, je l'ai vu passer, il m'a fait un petit signe amical  de la main... je ne l'ai plus jamais revu...vivant; et à toi Inés il t'avait promis quoi dans ta chambre, dis-voir.

- Des belles robes et des belles chaussures comme Pamela de la télévision dans le feuilleton Dallas, il m'avait dit, tu seras encore plus belle qu'elle.

La candide Inés se trémousse, l'adjudant Monneret est au bord de l'apoplexie; pour ma  part, j'ai un début de mal au crâne, le parfum fort et épicé qui émane de la pulpeuse Carmen se mélange à celui d'Inés, plus subtil mais non moins entêtant, nous prenons congés des deux dames.

- Ouf! des terribles ces deux-là, Igor le bûcheron est un peu leur protecteur, voilà un type à voir aussi, il doit être dans la forêt, il n'est visible que le soir au bar de la Poste... vous voulez monter jusqu'à la bicoque de Bébert? c'est la dernière...je compte sur vous pour ne pas me mettre dans le coup, disons que je vous ai guidé ici à titre officieux, je vais vous laisser agir à votre guise, naturellement, si vous récoltez des éléments nouveaux vous m’avertissez et si vous avez besoin...pour une autre visite.

Quel contraste avec la maisonnette  des Espagnoles, dans celle de Morel, tout se déglingue, les volets sont à moitié décrochés, les chêneaux arrachés...

- La porte est ouverte, venez, entrons.

L'odeur qui nous prend aux narines est aux antipodes du parfum inhalé chez Carmen;  nous ne distinguons pas grand chose puis nos yeux s'habituent à la demi obscurité; dans une grande pièce unique nous découvrons une table bancale, des chaises éventrées, un évier de pierre encombré de vaisselle dégoûtante, une buffet criblé de chiures de mouche; dans le fonds, ce qui devait être le lit de Bébert est recouvert d'un grand carton, dans  un autre coin, un fourneau à bois déborde de cendres, au-dessus, sont tendus des fils où pendouillent des loques; une porte que l'adjudant ouvre mène dans un réduit éclairé par une petite fenêtre, un vélo rouillé, du bois de chauffage, des journaux, des chiffons s'entremêlent dans un fouillis inextricable.

- Qu'est ce que vous faites ici?

Une ombre se profile dans l'embrasure de la porte d'entrée, la voix, le reflet des lunettes nous indiquent à qui nous avons affaire.

- Faut pas vous gêner, faites comme chez vous, c'est pas parce que Bébert est mort que vous avez le droit de fouiller sa maison sans demander mon autorisation, comment que vous êtes entrés, c'est moi qu'ai la clé?

Je tente une sortie, mon mal de tête empire, la mère souris me bloque le passage et continue ses vociférations.

- Suffit, madame Machecourt, vous feriez mieux de faire un peu de ménage dans ce souk, sinon les rats vont s'en charger.

Elle doit être allergique aux travaux ménagers la brave dame, elle recule et redescend les deux marches.

Le gendarme s'attarde encore à l'intérieur alors que je suis dehors, je respire  à pleins poumons, essayant d'expulser les miasmes qui m’ont envahis; les parfums des danseuses de flamenco passent encore, mais les relents de la cabane et les effluves diffusés par la mère souris viennent de faire subir les pires supplices à mon nez délicat.

- Regardez les  bordereaux vierges, tiercé, quarté, quinté, il avait l'intention de jouer, vous en voulez?

L’adjudant sort et me montre un paquet d’imprimés.

- J'ai parié durant quelques années, sans vraiment gagner et sans perdre réellement, j'aimais poinçonner les tickets en cartons, faire des encoches, c’était amusant, quand le P.M.U s'est modernisé, j'ai vite abandonné, noircir les cases ne fatiguait.

- Mon beau-père était comme vous, toujours sa petite pince dans la poche... je vais les donner à mes hommes.

- Vous m'en donnez un, comme souvenir.



17/04/2012
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