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-En plein hiver, oui, vous me comprenez… Yves constate qu’en effet des arbres ont souffert, surtout dans la partie basse, le vent avait soufflé violemment comme dans un couloir, monsieur Roland, le garde-forestier lui indique qu’il a un acheteur pour ces bois mais que leur valeur est dépréciée, il lui donne un chiffre presque dérisoire et lui demande de faire une facture à l’adresse de la scierie Godot d’Oréville, mon récit s’arrêterai là si Christophe n’avait découvert des choses anormales dans le Bois-aux-Loups.

…………

-C’est le nom de ce bois ?      

-En effet.

Christophe continue le récit.

-Carole a eu la gentillesse de m’inviter ici entre l’Arabie et le Venezuela, une cure d’Europe bénéfique, à plus forte raison dans ce décor champêtre et forestier, j’ai commencé par faire des petites balades en lisière de la forêt puis je me suis enhardi, je suis descendu jusqu’au chemin touristique et c’est dans ce secteur que j’ai découvert des souches assez nombreuses, j’ai pensé aux bois abattus par la tempête.

-En rentrant, il m’en parle, puis nous changeons de conversation.

-Le lendemain je décide de retourner dans le bois, Carole m’avait parlé de quelques arbres mais il me semblait que le nombre de souches dépassaient largement ce… quelques. En effet, je prends le temps de les compter, posant une brindille sur chaque souche pour éviter de les compter plusieurs fois, j’arrive à un total de soixante-dix huit.

-Entre temps je retrouve la facture qu’Yves avait produite, vingt-six arbres ont été facturés, huit sapins, deux érables et seize hêtres, tenez, la voici.

La somme totale est effectivement dérisoire.

-J’appelle monsieur Chalan, il tombe des nues, il a laissé le garde-forestier et le scieur se charger du nettoyage, leur faisant confiance, il accompagne Christophe dans le bois.

-Il était sidéré et d’après lui, les arbres manquant ont été abattus il y a deux ou trois ans, pas plus, à part les souches qui pourraient correspondre aux arbres détruits par la tempête.

-Je contacte le garde-forestier, c’est un nouveau, celui qui s’était occupé de la transaction est en retraite, il se fait tirer l’oreille, je l’appelle plusieurs fois et j’insiste avant qu’il accepte de faire un constat.

-Sur place, il se moque de moi, affirmant que les arbres abattus avaient été certainement abimés par la chute des autres et qu’il s’agissait de petits sujets sans valeur, je m’étonne quand même et lui dit que madame Bartin va porter plainte pour vol, il me le déconseille.

-Cette affaire de bois volé m’a rappelé…quelques jours avant son décès, Yves avait prit le temps de faire le tour du bois, à son retour, je l’ai trouvé soucieux… Je lui demandé les raisons de ses préoccupations,  il m’a répondu, rien d’important…Il était ainsi, voulant éviter de me faire part de ses ennuis, à mon avis il a découvert la disparition des arbres, à plusieurs reprises, il s’est enfermé dans son bureau pour donner des coups de téléphone, je n’osais plus le questionner…

Carole est émue, Christophe prend le relai.

-Nous supposons qu’il a téléphoné à la scierie d’Oréville, peut-être aussi à l’ancien garde-forestier.

Je comprends enfin les raison de cette demande, Carole et Christophe sont persuadés qu’Yves a été volontairement « accidenté » par ceux qui ont commis des malversations, cela me semble un peu gros, tuer pour des arbres.

-Une solution, porter plainte, ne pas tenir compte de l’avis du garde-forestier.

-Avant cela, nous voudrions être certains du vol, vous avez des relations, vous connaissez de nombreuses personnes, éventuellement un professionnel du bois en qui vous avez confiance, pouvez-vous nous aider ?

-J’ai un ami scieur dans la région, je pense qu’il acceptera de venir sur place.

J’évoque l’électrocution.

-Je sais qu’un expert a contrôlé l’installation électrique dans l’atelier  et qu’il n’avait décelé aucune anomalie, qu’en pensez-vous ?

-Yves était pointilleux sur les normes, il était prudent, souvenez-vous, même sur un terrain de foot il évitait les chocs, il n’avait jamais eu de blessures importantes, cela aussi nous fait douter de la réalité d’un accident.

-Je pourrai faire un tour dans cet atelier, vous sert-il encore ?

-En partie, monsieur Chalan gare le tracteur et y range quelques outils de jardinage, c’est lui qui a la clé, je peux lui demander de venir.

-Ne le dérangez pas aujourd’hui, je reviendrai une autre fois, j’ai un ami qui s’y connait en électricité, j’aimerais lui montrer l’installation.

Carole est restée debout le temps de notre entretien, elle s’effondre sur un fauteuil.

-Christophe, tu reconduis monsieur Passy, excusez-moi, chaque fois que l’on évoque le drame, je craque.

Je la comprends, je revois les photos extra-sportives consacrées au couple Bartin, Carole était rayonnante, je me souviens aussi de celles prises lors des obsèques d’Yves, elle était méconnaissable et elle est toujours sous le choc.

Christophe me raccompagne à ma voiture.

-Que pensez-vous de Carole, je me fais du souci, je ne l’imaginais pas dans cet état, au téléphone elle était rassurante, je pensais qu’elle avait surmonté sa peine, qu’elle avait refait surface, je lui ai conseillé de quitter cette maison, de la vendre, de changer d’horizon mais elle s’accroche à ces souvenirs.

-Elle n’a pas d’amis à Charville ?

-Non, vous savez une femme seule est souvent mise à l’écart, j’aurais aimé qu’elle sorte, je voulais qu’elle s’inscrive dans le club local, de gym par exemple mais rien à faire, elle s’enferme dans sa solitude.

-Et l’association pour une maladie orpheline qu’Yves présidait ?

-Elle était pourtant impliquée, elle secondait Yves, j’espérais qu’elle prenne le relai, cela lui aurait donné une occupation mais elle a tout lâché.

-Et vous allez repartir ?

-Je ne peux faire autrement, je lui ai proposé d’employer un couple de jeunes retraités, une dame qui s’occuperait de la maison et un homme de l’extérieur, elle a de la place dans cette grande maison, elle pourrait leur aménager un logement, elle est réticente mais je vais insister.