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La nymphe vengeresse

Je comprenais enfin les motivations du boss et l’attention particulière qu’il accordait à Mauzieux.

- Je vais vous surprendre, mais l’un de mes arrière-grand-père maternels était originaire de ce bourg, il était charbonnier, un métier noble... maman me parlait souvent de cet homme qui vivait pratiquement au milieu des bois, qu’elle craignait quand elle était petite parce qu’il était tout noir,  voilà pourquoi je garde une certaine estime pour Mauzieux et j’avais rencontré Albert Garassaux lors de recherches généalogiques, un homme très intelligent et plein de bons sens comme le sont les gens proches de la nature, si son fils est de la même veine, vous pouvez accéder à son désir, tout en restant discret, nous ne sommes pas des auxiliaires de la police et de la justice.

La dernière phrase prononcée par le patron m’avait fait plaisir.

- Il serait temps que vous sortiez un peu du carcan des faits divers, ce genre d’enquête devrait vous convenir et je pense que nos lecteurs apprécieront, surtout si vous faites ressortir le côté un peu mystérieux de ces affaires, la légende qui plane du côté de la fameuse source, ces croyances d’une autre époque devrait captiver l’attention.

Il n’avait pu s’empêcher de moduler aussitôt ses propos, comme d’habitude.

- Seulement, restez sobre, nous avons une réputation à tenir, nos chers collègues surveillent nos écrits et pourraient nous taxer d’extravagance.

Un coup de fil à Julien Garassaux pour le prévenir de notre accord, il me fixait immédiatement un rendez-vous.

- Nous vous attendons, notre petit comité compte sur vous.

- Qui sont vos amis ?

- Deux femmes et trois hommes, des personnes responsables.

 

Je suis à nouveau reçu au domicile des époux Garassaux.

- Une réunion en mairie aurait été vite éventée, les commères s’en seraient donné à cœur joie, nous voulons éviter la publicité, du moins pour le moment.

Je fais la connaissance de madame Lemarquis, veuve de l’ébéniste accidenté, de madame Valetti directrice de l’école primaire, de monsieur Durand pharmacien et premier adjoint et des frères Galley, Jean et Jacques, exploitants forestiers. Tous sont unanimes, ils estiment que les trois décès ne peuvent découler d’accidents. Les Galley employaient souvent Fernand Maillard.

- Un homme d’expérience et prudent, il était le premier à engueuler les jeunes qui prenaient des risques, le métier de bûcheron est dangereux vous savez.

- Il n’abattait jamais un arbre sans prendre toutes les précautions d’usage, c’était même un perfectionniste.

Madame Lemarquis est également formelle concernant la prudence de son mari.

- Jamais le moindre accident à l’atelier et pourtant, Dieu sait que les machines employées dans notre profession sont dangereuses, combien d’accidents avons-nous déplorés, de phalanges coupées.

Madame Valetti, petite femme effacée ne souffle mot durant notre conversation, elle se contente de m’adresser, dès que je tourne les yeux vers elle, un sourire plutôt sympathique.

Je propose une expédition sur les lieux, j’aimerais connaître cette source légendaire, Jean, l’aîné des Galley est d’accord pour me servir de guide.

- Jean connaît la forêt comme sa poche.

- C’est vrai qu’il y a longtemps que je la fréquente, gamin, j’accompagnais mon père.

- Je ne peux me joindre à vous, j’attends un bon client, je vais vous prêter des bottes, le secteur est humide.

Monsieur Garassaux m’apportait une paire de bottes.

  

Nous sortons du village et pénétrons aussitôt dans la forêt par une route étroite; les hêtres tendent leurs branches au-dessus de la route, formant une voûte squelettique, un tapis de feuilles brunes et souillées recouvre l’asphalte. Après une  légère montée, nous plongeons vers une vallée sombre, quelques traînées de boue et du gravier sur la chaussée témoignent de la violence des dernières pluies. Notre voyage s’effectue dans un certain silence, il faut dire que la fourgonnette de l’entreprise Galley frères n’est pas de première jeunesse, que son moteur fait un bruit de casserole et que la carrosserie gémit de partout. La route est sinueuse et le chauffeur freine au dernier moment en abordant les virages. Cherche t’il à m’impressionner ? Je commence à cogiter, Martine, ma compagne, à qui j’avais parlé de Mauzieux et de ses  histoires étranges m’avait mis en garde.

- Méfie-toi, ne va pas en forêt avec n’importe qui, facile de supprimer un petit journaliste de province trop curieux.

Je regardais le profil de mon voisin, il avait un visage impassible et se cramponnait à son volant.



08/10/2011
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