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Le rocher du diable

Véronique possède le livret d’épargne de son père, elle confirme la date d’un retrait de cinq mille francs effectué au bureau de poste de Balermont, c’est bien celle de la chute fatale.

- Une telle somme, c’est tout de même  surprenant car il avait un carnet de chèques, un CCP et plusieurs cartes de crédit, habituellement il ne retirait que des sommes plus modestes, souvent dans des distributeurs, j’ai les derniers décomptes, le maximum était de cinq cents francs à la fois.

- Carnets de chèques et cartes ont été retrouvés ?

- Dans sa valise, à son hôtel, quant à l’absence du portefeuille, elle m’a été expliquée par la violence de la chute, il pouvait être éjecté à l’arrivée et même avant...Je vous disais que cette mort est suspecte, qui pourrait s’encombrer d’argent avant de se donner la mort..c’est abominable, un crime crapuleux.

 

- Merci de cette confirmation, nous avions commencé à poser quelques questions à nos connaissances, petits délinquants et consommateurs de drogue, cela n’a rien donné directement, par contre un jeune qui se baladait à moto au-dessus de la falaise le jour de la mort de monsieur Léonardin, aux alentours de seize heures, ce qui correspond également à l’heure de la chute, nous affirme avoir entendu le bruit d’une voiture, puis des  voix masculines. D’après ses dires, le moteur a tourné cinq à dix minutes au ralenti avant que le véhicule redescende ; naturellement sans la reprise de notre enquête, ce témoignage serait resté sous silence, c’est vous dire le peu de civisme des gens, et ils nous accusent de mal faire notre travail.

 Les renseignements recueillis par téléphone me donnent un motif supplémentaire pour revenir à Balermont et y faire quelques investigations, sous prétexte de travailler sur l’accident de l’échafaudage, je vais essayer d’en savoir plus sur la seconde chute.

 

C’est d’abord vers les réservoirs que me porte ma curiosité, par une petite route serpentant en plein cœur de  la forêt, j’arrive aux pieds des ouvrages en béton, deux énormes cuves en partie enfouies dans la terre mais dont la partie aérienne atteint au moins huit mètres. Cette construction est insolite au milieu d’une importante végétation, mais je me doute que cet immense château d’eau est capital pour alimenter un vaste secteur. La construction est entourée d’un haut grillage, côté forêt, la végétation déborde largement la clôture, les grands arbres ont profité de l’espace libre pour étendre leur frondaison, les ronces et les mûriers s’infiltrent à travers les mailles du grillage.  Un grand calme règne dans cette clairière, je me trouve à des années lumières de la civilisation trépidante et j’en profite pour oxygéner mes poumons.

  

Je fais une nouvelle incursion à l’hôtel de la Falaise, madame Duchet, la patronne est toujours aussi bavarde.

- Les quatre jours de pension vous ont été payés ?

- La fille a réglé quelques jours plus tard, elle a téléphoné pour connaître le montant de la note et nous a envoyé un  chèque aussitôt quant à la valise et aux affaires de monsieur Léonardin elles ont été récupérées par les gendarmes.

- Le jour fatal, votre client vous a fait une confidence ?

- Monsieur Jacques, une confidence ! il était discret je vous l’ai déjà dit.

- Il  vous aurait parlé d’un achat qu’il envisageait de faire ?

- Non, du tout.

Liliane, la belle-fille vient d’entrer.

- Monsieur Passy, j’ai parlé de vous à Albertine, elle aimerait vous rencontrer, si vous avez le temps.

- Vous pensez qu’elle est aux Barrettes en ce moment ?

- Vous voulez que je vous confirme sa présence, je l’appelle.

Liliane disparaît peu de temps.

- Elle est chez elle et peut vous recevoir, j’annonce votre visite ?

 

Je fais un crochet par la rivière, Jean Perrotot n’est pas au bord de l’eau  aujourd’hui, je voulais lui demander si Nestor le brochet était revenu à la charge et surtout si Jacques Léonardin avait parlé d’un achat éventuel. Savoir à qui ou à quoi l’ingénieur destinait la somme de cinq mille francs apporterait peut-être l’explication de sa mort. La thèse de Marchaux supposant l’intervention d’un petit truand ou d’un drogué ne me plaît qu’à moitié. Si j’imagine parfaitement de tels  personnages commettre une agression et voler un portefeuille, par contre je les vois mal  faire un effort pour amener la victime au bord de la falaise et le pousser vers le précipice.

 

Je viens de quitter la route départementale et j’aborde un chemin privé qui mène au domaine des Barrettes, cette route parfaitement carrossable est une ligne droite bordée des deux côtés de platanes magnifiques, les couronnes denses apportent une ombre continue et c’est appréciable, le soleil étant particulièrement brûlant. A la suite d’une montée en pente douce, succède une descente un peu plus raide. Je viens d’apercevoir des toits d’ardoises au-dessus d’une rangée d’arbres, je ralentis pour jouir du paysage. Le panorama est agréable, les prés s’étendent à perte de vue, formant une succession de moutonnement jusqu'à des collines boisées, ça et là des bosquets d’arbres rompent la monochromie du vert pâturage, quelques toits de tuiles ocre se devinent au loin à travers une brume de chaleur. Je suis à l’entrée de la propriété, le portail monumental est ouvert, il doit l’être continuellement car il semble rivé au sol, un muret de pierre surmonté d’une palissade de bois s’accroche aux deux piliers et entoure une vaste cour. Quelques bâtiments en briques rouge s’alignent à droite alors que sur la gauche d’autres constructions plus modernes se trouvent en retrait mais, ce qui attire le regard, c’est la vaste et magnifique demeure qui fait face à l’entrée. Un rez-de-chaussée et un étage, deux rangées de fenêtres à petits bois, un perron à double escaliers mène à une large porte d’entrée, la façade claire est dominée par immense un toit gris ardoise entrecoupé de chiens assis et surmonté de nombreuses cheminées.

 La porte d’entrée monumentale vient de s’ouvrir, une dame apparaît,  vient s’appuyer à la rambarde ; elle suit attentivement mes évolutions qui ont pour but de me ranger convenablement sur un parking déjà encombré de trois véhicules. La manœuvre est malaisée, l’énorme tronc d’un marronnier se trouve sur ma trajectoire.



16/08/2011
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