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Le grand verger (suite)

Monsieur Channaz est en pleine forme, il regarde maman d'une façon déplaisante...c'est mon avis... maman doit penser le  contraire, elle lui sourit.

- Vous n'êtes pas certaine que le monsieur que je vous ai présenté sur photographie soit votre mari, j'ai d'autres renseignements le concernant.

 

Le Suisse sort des documents d'une belle serviette en cuir.

- En juin 1940, l'homme a été recueilli dans un hôpital de Genève, brûlé aux membres et au visage et amnésique. Aucun papier sur lui, âge présumé trente ans, taille un mètre soixante-quinze, yeux bleus, cheveux châtains foncés...je vous lis le rapport...aucun signe distinctif si ce n'est qu'il portait des vêtements militaires, vêtements identifiés comme étant en service dans l'aviation française. Il a subi des soins appropriés et a été pris en charge par la Croix-Rouge supposant qu'il s'agissait d'un évadé, ou plus certainement d'un pilote d'avion abattu dans le secteur.

Maman reste de marbre, comme à son habitude, difficile de deviner ses sentiments. Et si l'homme qui venait de mourir récemment était bien mon père? Cette pensée me glace, j'ai l'impression que mon cœur se bloque, s'arrête pour s'affoler aussitôt. Je hais la guerre, génératrice de tous mes malheurs et, alors que j'arrivais presque à oublier mon père, que la disparition de grand-père était devenue plus importante, ce bonhomme au faciès lunaire vient raviver une ancienne blessure.

- Ce monsieur a donc vécu en Suisse jusqu'au mois de mai dernier, sous une identité d'emprunt. Nous avons été contactés par la dame qui l'hébergeait,  afin de retrouver la famille de Jean Montcy, sans avoir aucun autre renseignement.

- J'imagine que celui que vous supposez être mon père devait beaucoup d'argent à la dame, je sais que vos compatriotes sont très rigoureux sur les questions d'argent.

Laurent Channaz a un mouvement d'humeur.

- Détrompez-vous monsieur, cette dame est aisée, membre bienfaitrice de la Croix-Rouge, elle habite Genève…. elle n'était pas seulement la logeuse de l'inconnu...vous me comprenez...

- Mais si cette dame savait son nom, pourquoi avoir attendu sa mort pour faire des recherches?

- Ce nom avait été prononcé quelques mois avant le décès, l'homme était très malade, atteint d'une maladie implacable, c'est après une intervention chirurgicale et en se réveillant d'une anesthésie qu'il a murmuré votre patronyme et le prénom de Jean, notre cliente n'a pas eu le courage de nous alerter avant l'issue fatale; je sais, elle a agi de façon irrationnelle, à présent elle voudrait savoir, tenez j'ai cette chaîne à vous présenter, l'inconnu la portait quand il est a été recueilli à l'hôpital.

Le visiteur pose un médaillon  suspendu à une chaîne en or, maman repousse le bijou.

- Jean n'avait jamais de chaîne sur lui, ni le moindre bijou, pas même son alliance, d'ailleurs je crois que c'était interdit quand il était en mission.

- Je vais rendre compte de cette visite à ma cliente, éventuellement, accepteriez-vous de rencontrer cette dame, ce serait peut-être un moyen de confronter certaines.... données...

L'Helvète est rouge à éclater, j'ai suivi son cheminement, maman aussi.

- D'accord, si votre dame charitable était intimement liée à ce monsieur, je pense que l'amnésie n'atteint jamais le subconscient.

Monsieur Channaz se décide enfin à nous quitter, il continuait à bavarder avec ma mère et j'ai eu l'impolitesse de lui faire comprendre que la conversation avait assez duré, que je voulais à mon tour parler à ma mère.

- Je vous laisse ma carte avec mon numéro de téléphone, je vous tiens au courant de la suite éventuelle mais si vous avez des questions à me poser, n'hésitez pas à m'appeler, tous les matins je suis au bureau.

Je rejoins maman dans la cour, elle regarde la petite voiture s'éloigner.

- Je t'en prie mon grand ne dis rien, inutile de chercher à comprendre, Jean est mort depuis longtemps pour nous et, même s'il avait survécut quelques années, ce n'était pas pour nous deux.

- Mais tu as accepté de rencontrer cette bonne femme.

- J'ai remarqué ton manque de courtoisie, à la limite de la goujaterie, il faut que tu changes Olivier, tu deviens adulte, tu apprendras à tes dépens qu'il faut savoir rester correct en toutes circonstances,  un entretien avec la dame de Genève permettra probablement de clarifier la situation, rester dans le doute est plus difficile à supporter qu'une certitude, même négative.

Alice et Charles viennent aux nouvelles, ma tante se veut réconfortante.

- Un ami de Jean, un autre pilote qui s'est souvenu de son nom, Jean aurait plutôt parlé de son fils, de sa femme, rassure Alice.

- Mon frère amnésique? il l'était déjà avant l'accident, il oubliait de payer ses factures, il oubliait même qu'il était marié.

Toujours la phrase assassine,  maman tourne les talons, elle va bouder durant plusieurs jours.

 

 



29/11/2010
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