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Je revenais à Montclair via Voussois, l'incendiaire récidiviste venait d'être pris la main dans la boîte d'allumette, prêt à enflammer l'essence qu'il avait répandue au pied d'un hangar bourré de fourrage; un malade, vingt cinq ans, engagé chez les Sapeurs-Pompiers volontaires pour assouvir ses instincts, et pas le contraire comme l'annonçait notre confrère voisin. Dans mon premier article, j'avais fait le distinguo, certains pyromanes s'infiltrent dans le corps des sapeurs-pompiers local pour être aux premières loges, ils aiment tellement les flammes qu'ils en arrivent à les provoquer, heureusement c’est tout de même rare.

Avant de prendre la route, j’avais pris connaissance de l’article paru deux jours après l’accident de Morel, comme je l’imaginais, il s’agissait d’un papier publié dans la page locale et relatant les faits dans leur sécheresse, un condensé extrait manifestement  d’un rapport de la gendarmerie. Le chef de l’agence chargée de la bourgade de Montclair me l’avait confirmé.

- J’étais en stage à cette période, mon remplaçant ne s’est pas foulé et n’a pris aucun risque, il a tiré l’essentiel du  rapport.

Le chef d’agence oublie de dire que la personnalité la victime, ou plutôt son absence de personnalité ne méritait que quelques lignes, son ami Casimir a droit à un peu plus de considération.

Je découvrais le bourg de Montclair sous un autre angle que la dernière fois, la colline au sommet plat surmontée de résineux se remarque de loin, l'église au clocher trapu  accrochée à mi-pente domine les maisons aux toits de tuiles rouge. Un endroit où il devrait faire bon vivre, l’ensemble dégage une sorte de sérénité, mais la tranquillité apparente masque de nombreux problèmes, les gens souffrent et meurent comme partout ailleurs. C’est souvent la réflexion qu’il m’arrive de faire en vue d’un tel paysage, mon boulot me ramène trop souvent au niveau des préoccupations de chacun, les drames sont mit en évidence le temps d’une information puis s’oublient rapidement, sauf pour ceux qui ont subi le malheur de plein fouet. Il m’arrive de retrouver des parents ayant perdu un enfant dans des circonstances dramatiques depuis plusieurs années et je constate que leur douleur est toujours aussi vivace, qu’elle est incrustée à tout jamais.

Ma première envie était d'aller  faire un tour aux Planchettes puis je me ravisais, je dois  commencer par une visite à la gendarmerie, si le chef m'aperçoit rôdaillant dans son fief il pourrait être vexé, il faut toujours ménager la susceptibilité de ces messieurs, ils sont pour nous  des auxiliaires précieux dans de nombreuses circonstances.

- Le chef Monneret est sorti, mais vous pouvez le rejoindre, il est à la gare, un vol de bois de chauffage, vous entrez dans l'enceinte, vers le quai de marchandises, vous apercevrez le fourgon.

La gare de Montclair et ses alentours sont bien tristes, deux  bâtiments de briques  portent encore les traces de suie déposées par les locomotives à vapeur, les portes et fenêtres n'ont pratiquement plus de carreaux, la clôture en ciment, ajourée en partie haute, tombe en  déconfiture, les voies de garage sont envahies par des herbes folles, seule une petite maisonnette présente bien, ce doit être le bureau du chef de gare.

Je franchis un portail ouvert à demi, le battant restant est replié sur lui-même, la rouille poursuit son œuvre de destruction.

- Monsieur Laurent, je pensais à vous dans cet endroit, ne me dites pas que vous vous déplacez pour de simples larcins... non, vous êtes encore avec l'affaire Morel, c’est ici même que s’est déroulé le drame.

Un homme est en retrait, il discute avec l'autre gendarme, mon arrivée l'intrigue, il me fixe d'un air interrogateur; la cinquantaine, un peu voûté, une barbe grise d’au moins deux jours,  une casquette un peu grande qu’heureusement des oreilles démesurées retiennent.

- Venez, je vous présente un véritable autochtone, Raymond Bassuet, exploitant forestier, des amateurs de feu de bois lui ont emprunté quelques stères de bûches, il est furax.