Les Planchettes à la une
Je vois encore l’adjudant Monneret faire la grimace quand je lui ai parlé de 4/4 de couleur sombre, le récit de Carole était déjà dans son tiroir, Loraux lui avait fait ce cadeau... et l’un et l’autre se sont bien gardés de m’en informer...un petit levier pour grappiller un peu de matière première.
- C’est vrai nous avions l’information, Loraux et sa générosité, sur une prochaine affaire, nous devrons être coopératifs...les 4/4 ? sept à Montclair, dont un seul de couleur claire, les autres étant soit noirs, soit bruns...à vrai dire, nous pensions fortement aux frangins flingueurs, dans cette affaire...les frères Bassuet,.
- Le coup de feu contre Carole ?
- Non, cette appellation a une origine plus lointaine, leur sport favori étant le tir sur animaux forestiers, surtout en dehors de la période de chasse... par l’intermédiaire de Norbert Mathieu le boucher, ce sont d’excellents fournisseurs des restaurants du coin, dont celui que vous fréquentez,....leur engin est blanc...enfin sous la couche de boue, le témoignage de Gisèle les innocente.
- Reste six, l’étau se resserre.
- Cinq, puisque les déclarations de votre tendre amie Carole nous permettent d’éliminer son papa.
- Qui sont ?
- Stop...feu rouge monsieur Passy...malgré les suppositions, rien de tangible ne nous permet de privilégier la thèse du crime, que ce soit pour l’une ou l’autre des victimes, le capitaine Maupuits est d’une extrême prudence.
- Curieux, je pensais que...
- Vous avez mal pensé.
- Pressions ?
- Pas à mon niveau en tout cas...jouons franc-jeu, la mort dramatique de ces pauvres hères ne peut être un coup du sort , le premier est prêt à empocher une somme conséquente, le second est justement celui qui a encaissé ce pactole...maintenant ne comptez plus sur moi, du moins pour le moment...si vous me dégotez un bon tuyau, j’achète ...un repas...
- On va vous le faire tout de suite.
Je venais de trouver un moyen pour approcher de près Jean-Pierre Descamps le garagiste, mes antibrouillards ne fonctionnaient plus.
Une allure décontractée, assez bel homme autant que je puisse en juger, des cheveux assez longs, je pense que ce largement quadra doit avoir un certain succès auprès de la gente féminine.
- Une cosse déboîtée peut-être, nous allons la mettre sur le pont...alors souvent dans les parages, le coin est charmant.
- Bielinski vous avait consulté, sa voiturette qui calait souvent ?
- Je dois vous répondre ?...il aurait fallu que je lui répare pour rien, combien de fois il passait pour des bricoles, une ampoule ou des essuie-glaces à changer, le pire c’est qu’il avait le culot d’acheter les accessoires dans un supermarché et qu’il me demandait de lui monter, faut le faire...il avait trouvé un réparateur moins cher que moi, résultat il en est mort.
- C’est-à-dire ?
- Un peu trop curieux vous...et puis après tout je m’en balance...Louis Prévot, le patron du bistrot de la gare, c’est un ancien mécano, soit disant qu’il bossait dans une écurie de course...excusez-moi.
Le téléphone sonnait, Descamps fonçait vers le bureau et la conversation s’éternisait.
- Voilà, c’est bon, une cosse déplacée.
L’employé m’informait.
A travers la vitre du bureau, le garagiste me faisait un signe de la main, j’avais compris qu’il n’avait plus tellement envie de me parler, il me virait, me faisant cadeau du travail.
En attendant la réparation, j’avais eu le temps de voir un 4/4 garé dans une annexe du garage, de couleur Bordeaux, mais également un autre carrément noir rangé sur un terre-plein dominant le garage.
- A qui ce tout-terrain ?
- A monsieur Bativier, le maire, embrayage bousillé, monsieur Bativier est peut-être expert en politique mais pour ce qui est de la mécanique...
- C’était le bon temps, je le suivais sur tous les circuits automobiles, en Italie, en Belgique, une fois en Amérique, à Indianapolis.
- C’était un bon mécano ?
Je buvais un café sur le comptoir du café du Soleil.
- Quelle bonne blague, il était estimé par les pilotes, seulement, il était influençable, il a dévoilé des secrets à la concurrence, vous pensez, pas de cadeau, et les autres en face qui lui avait fait miroiter monts et merveilles ne le voulaient plus, trop dangereux...voilà, nous sommes revenus comme des cons nous enterrer dans ce bled, chacun dans un bistrot minable... surtout le sien et nous avons divorcé.
- Des problèmes pour la pension.
- Il se fait tirer l’oreille mais c’est de la frime, et puis c’est une pension symbolique...chaque mois, ça nous permet de nous revoir, de parler du bon vieux temps...
A voir l’air de Gisèle, je me demande si les anciens époux ne font que parler lors de cette visite mensuelle.
- Il vous fait des cadeaux de temps en temps ?
- Des cadeaux ? avec ce qu’il encaisse, c’est tout juste si il joint les deux bouts...si, au dernier Noël, il m’a offert une boîte de foie gras, du bon, un ancien copain lui avait envoyé deux boîtes qu’il m’avait dit, il a voulu partager...je l’ai avalé toute seule, je me croyais revenue vingt ans en arrière, quand nous mangions du caviar et buvions du Champagne à chaque victoire...
Ce tenancier de troquet en déconfiture, complice ? délicat d’aller le voir et de lui poser la question directement.
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