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- Un surnom, un sobriquet comme disent les gens du coin, à cause de ses petits yeux...je parie qu'elle vous a bassiné avec son fameux Bébert.

- En effet, elle clame que ce monsieur n'a pas été victime d'un accident, qu'il a été tout bonnement assassiné.

- On connaît la chanson, six mois quelle nous casse les pieds avec cette version, elle n'en démord pas.

- Elle ma parlé d'une certaine Carmen qui aurait les mêmes idées qu'elle.

- C'est déjà plus sérieux, mais je me demande ce qui leur permet de faire une telle affirmation, c'est peu clair, vous savez les habitants des Planchettes sont en quelque sorte des marginaux, ils vivent en communauté, se chamaillent, se tapent dessus de temps en temps, possible qu'un Igor ou un Maurice ait frappé un peu plus fort que d'habitude; pour masquer l'homicide involontaire, on porte le cadavre près des piles de bois de chauffage, on tire quelques rondins, le tout s'écroule et le tour est joué.

- Le corps a été découvert rapidement?

- Le lendemain matin, des transporteurs sont venus pour décharger du bois, ils ont vu l'éboulis, cela les a surpris, les piles tiennent bien habituellement, ils ont eu peur que des gosses soient venus jouer comme cela arrive souvent, en dégageant les bûches, ils ont découvert Robert Morel, coincé en dessous.

- Autopsie et confirmation de l'accident.

- Affirmatif, contusions et fractures multiples, les piles font quatre mètres de haut, imaginez.

- Votre chef est au bureau?

- Parti faire son rapport, vous savez ce que c'est, la paperasserie, si vous voulez lui parler, je peux le prévenir de votre visite...votre correspondant.

Un jeune homme vient se présenter.

- C'est trop tard ?

- Demandez a être prévenu immédiatement dès qu'un tel accident se produit dans votre localité.

- Nous le répétons chaque fois, le chef d'agence et moi, mais ils oublient, les gendarmes pensent que les pompiers m'ont téléphoné, les pompiers comptent sur les gendarmes.

Eternel problème de l'information de base qui bien souvent nous parvient longtemps après coup et qu'il faut repêcher.

- Filez tout de suite à la gare avant le départ de l'autorail, plus rien à photographier ici, vous prenez l'avant de l'engin, essayez si c'est possible de questionner le machiniste, quelques passagers éventuellement, je suis à la gendarmerie, vous m'y rejoignez.

Montclair est un bourg blotti au pied d'une colline boisée, une sorte de promontoire faisant diversion dans un paysage relativement plat, plus au sud, d'autres collines moins proéminentes sont recouvertes de forêts. Je ne me souviens pas de  l'accident survenu à ce Robert Morel, il avait dû occuper quelques lignes dans les pages locales de notre quotidien.

- Le premier accident mortel depuis ma nomination à ce poste.

L'adjudant Monneret me reçoit très aimablement, me communique les coordonnées exactes de la victime et les données techniques de l'accident.

- Vous êtes nouveau à la tête de cette brigade?

- Deux mois.

- La mort tragique d'un dénommé Robert Morel, des Planchettes, vous n'étiez donc pas encore à Montclair?

- Non mais croyez-moi, j'en ai entendu parler, d'ailleurs je suppose que vous aussi depuis peu, en discutant avec la mère souris, alias Fernande Machecourt, elle vous a seriné avec cette histoire.

- Elle réfute catégoriquement la thèse de l'accident et une certaine Carmen serait également de son avis.

- Je sais, à peine en service, ces deux dames sont venues me faire part de leurs doutes, j'ai même failli les croire et j'avais entamé une sorte d'enquête préliminaire, puis mes hommes qui connaissaient les circonstances de l'accident m'ont conseillé de laisser tomber, c'est le mot qui convient; le maire, quelques personnes interrogées étaient du même avis, pourtant...

Le gendarme semble regretter son "pourtant", il fouille dans ses papiers, revient sur l'accident du jour.

- Aucune famille à prévenir, l'homme vivait seul, une corvée en moins; alors ça je déteste, avant de quitter mon affectation précédente, j'ai dû me présenter chez trois couples pour annoncer que leur jeune homme était mort sur la route, une mission pénible, croyez-moi.