L'araignée rouge
La capitaine Guillaumet me donne rendez-vous à la gendarmerie de St Jean, normalement, je ne risque plus rien, Bourlon ne peut récidiver mais je me méfie, il a certainement des suppléants.
Le commandant de compagnie vient de prendre ses fonctions dans le secteur depuis quatre mois seulement mais, depuis qu’il est arrivé, il s’est intéressé aux affaires en instance de classement.
-Une affaire un peu ambigüe, la gendarmerie s’est occupée du meurtre de la jeune fille d’une part et de celui du marin d’autre part, ma première démarche a été de demander la fusion des deux dossiers qui sont liés, c’est chose faite.
Je pense que la demande de maître Lagnier qui avait exprimé ce souhait à provoqué cette décision judicieuse.
-Vous avez, j’en suis convaincu des éléments, des témoignages qui confirment vos suppositions, alors jouons cartes sur table, je vous écoute.
Il m’est impossible de cacher les témoignages d’Hervé, le fils du marchand de chaussures et de Madeleine, l’épouse de l’éclusier.
-Si vous permettez avant que vous les convoquiez, j’aimerais les prévenir.
-C’est d’accord, je vous donne une semaine, soyez convaincants c’est très important.
L’officier est étonné de la précision du tireur.
-Il fut un temps où je participais à des compétitions de tir, c’est vrai qu’une carabine 22 long rifle avec une lunette est précise aux environs de cent mètres, d’après le rapport, le tireur se trouvait à environ soixante-quinze mètres, mais vous me dites qu’il pouvait fort bien se trouver à l’opposé, à quelle distance ?
J’avoue que je l’ignore, à mon avis les fenêtres situées sur la façade arrière de la maison Thomas sont à égales distances du canal que la bâtisse, quant à la remise, elle est plus proche du canal mais l’angle est différent.
-C’est à vérifier, le bateau était stoppé, la victime a probablement tourné la tête d’un côté ou de l’autre, il a été touché à l’arrière du crâne, le tireur était en embuscade mais en retrait.
La capitaine a bien potassé le rapport, il me donne des détails qui n’avaient pas été communiqués à la presse.
-L’enquête s’est orientée vers les chasseurs de St Jean considérés comme de bons fusils, ils avaient tous un alibi ce matin-là, le commanditaire a certainement fait appel à un pro de la gachette.
La phrase du capitaine concernant les compétitions de tir à la carabine m’avait interpellé, je me souviens avoir écrit plusieurs articles concernant un club de tir ayant son siège à St Jean, je colle Philippe, le stagiaire aux archives. Il me retrouve des articles dont le dernier annonce la dissolution de ce club, il y a cinq ans, j’ai le nom de l’ancien président, également ancien champion de France à la carabine, il est dans l’annuaire et pour cause, il est armurier à St Jean, place de la Fontaine.
-Quand vous voulez, je suis l’un des rares Jeannais à lire votre journal.
Philippe m’accompagne, nous sommes en avance, je lui présente St Jean, sans oublier la rue du Canal.
Maurice Ravaux nous reçoit aimablement.
-J’en avais marre, pendant des années c’était une bonne entente puis la situation s’est dégradée, je ne suis pas misogyne mais l’arrivée des femmes a modifié les comportements alors j’ai démissionné, à peine deux ans plus tard, le club était dissous.
Je lui explique le but de ma visite.
-Je m’en doutais, je vous dis tout de suite, ce n’est pas moi, j’étais à Paris ce jour-là, les policiers m’ont interrogé, que voulez-vous savoir, quel tireur pouvait atteindre son but à cette distance ? J’en vois trois, d’anciens adhérents du club, Yves Lachet, Alain Souvard et Guy Maréchal, mais vous pouvez les éliminer aussi, nous étions ensemble à un congrès des chasseurs, eux aussi ont été interrogés.
-Et les dames ?
-Celles du club ? Non, elles commençaient à pratiquer, mais je sais que quelques-unes se sont inscrites au club de Viramont, ont-elles progressé, je l’ignore.
-Sont-elles clientes chez vous ?
-Non, je suppose que c’est le club qui les approvisionne en munitions.
En sortant de l’armurerie, j’ai un choc, la grosse bagnole noire de Bourlon est garée en face de la Lanterne.
Je me retiens, j’aurais envie de donner des coups de pieds dans sa carrosserie, je jette un œil dans l’habitacle, c’est un vrai foutoir, j’aperçois sur le siège du passager une feuille de bloc sur laquelle est inscrit un numéro de téléphone. Je parviens à déchiffrer ce numéro et le note, j’aimerais savoir qui est au bout.
-Un tag sur votre voiture, sur le pare-brise !
Une araignée rouge, je l’attendais, mais je suis déçu, elle est moins jolie que celles que m’avait montrées Sylvain Vallon.
-Des gamins certainement.
Nous passons au stand de tir de Viramont, le gardien est seul.
-Les tireurs ont des créneaux fixes, ceux du club de tir ? Ils viennent le mardi soir et le dimanche matin.
-Des femmes dans ce club ?
-Oui, une dizaine, avant il n’y en avait qu’une ou deux.
-De St Jean ?
-Alors là, j’en sais rien, faudrait revenir quand la secrétaire est là.
-Quelle est votre idée, avec les chasseurs c’est râpé.
Philippe est pris aussi dans cette aventure.
-Il est évident que le tireur a agit pour protéger quelqu’un de proche, son fils peut-être.
J’appelle le numéro de téléphone découvert dans la caisse de Bourlon, aucune réponse, j’essaie plusieurs fois sans succès, je vais confier ce numéro à mon ami Olivier de la PJ, il doit pouvoir me dire à qui il a été attribué.
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