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Les Planchettes à la une

- Ah vous voilà enfin, adjudant, vous avez conseillé à mon frangin de laisser tomber pour le vol de bois de chauffage, vous n'avez pas le temps de remplir un rapport, de prendre nos dépositions?

Un homme attendait dans le hall de la gendarmerie, un peu excité le gaillard; forte corpulence, des bras énormes et poilus dépassent de sa chemisette à carreaux; des yeux glauques dans un visage taillé à la hache, une cicatrice sur la joue droite, un mégot au coin des lèvres, cet olibrius a un aspect peu engageant.

- Calmez-vous monsieur Bassuet, je vais enregistrer votre plainte.

- Vous avez intérêt, et faire une perquisition aux Planchettes, foutez-moi toute cette racaille au trou, ou alors je vais m’en occuper moi, je vais allumer un brasier, vous allez voir les baraques flamber et les habitants avec, ça fera un bon nettoyage pour la ville.

- Vous permettez, je termine avec monsieur et je vous prends dans mon bureau.

L’adjudant fermait la porte au nez de l’impoli.

- Voyez un peu ce spécimen, Lucien le frère de l'autre, un joli couple, ils parlent de voleurs? ce sont des spécialistes de la magouille et d'autres choses... bon oublions-les, le comportement curieux du sieur Morel avant  de périr, voyez, je n’avais pas tort de croire les bonnes femmes.

- Celui qui a touché les neuf cent trente mille francs, un anonyme, vous pouvez connaître son identité?

- Impossible dans l'état actuel des choses, il faudrait une enquête criminelle, une demande du juge, le dossier est classé; maintenant que vous êtes engagé, essayez de trouver des indices probants, les gens parlent plus  facilement avec vous qu'avec nous, des craintes de représailles éventuelles...attendez, avant de partir je voudrais vous remettre ceci.

L'adjudant Monneret me tend une grande enveloppe.

- Ce n'est pas très légal, mais ce ne sont pas des documents officiels alors... un double du dossier complet concernant l'affaire Robert Morel, rédaction de mon prédécesseur; ne me demandez pas comment ces documents ont été sauvés de la poubelle, secret, vous verrez, quelques points de détail mentionnés mais qui  n’ont jamais dépassé ce bureau, ainsi que des témoignages considérés comme secondaires voire inintéressants, je suis certain que vous parviendrez à décortiquer cette littérature enchevêtrée, si vous commencez une série d'articles évitez surtout de donner des renseignements trop conformes à ce rapport... je vais m'occuper du rouspéteur avant qu'il ne casse quelque chose.

 

A la première aire de repos, je m'arrête, une envie de lire quelques lignes de ce rapport; le premier feuillet dactylographie est une réplique de l’article paru dans notre journal, la description des faits, la découverte du corps de Robert Morel enfoui sous plusieurs stères de bois de chauffage, une explication succincte de l’accident, la victime aurait tiré une bûche, tout lui est tombé dessus, l’heure du décès est fixée aux alentours de vingt heures, point final.

Le dossier est plus complet, trois autres pages dactylographiées mais avec une machine différente qui prouveraient qu’un début d’enquête avait été mené par l’ancien chef de brigade, quelques témoignages de personnes ayant aperçu Robert Morel le jour de sa mort.

Plusieurs personnes l’avaient vu monter vers le plateau ce mardi 19 octobre 93 aux alentours de dix neuf heures, Yves Descamps   certifie l'avoir croisé près de la chapelle juste avant dix neuf heures trente à la nuit tombante; ce monsieur était en voiture, il déclare que Bébert s'était écarté et s'est même dissimulé derrière un arbre... comme si il voulait ne pas être vu à cet endroit; d'autres témoignages, notamment celui de la tenancière du café de la Poste qui dit avoir vu la victime aux alentours de seize heures trente dans son établissement et qu’elle lui a servi un verre de limonade...(c'était bien la première fois qu'il me demandait une telle boisson, je pensais qu'il était malade, je  lui ai demandé, à ma question, il m'a répondu qu'il n'avait jamais été aussi bien)... en marge de ce témoignage, une mention manuscrite: déclaration de madame Carli peu crédible, mémoire notoirement défaillante.

Je décrypte une autre déclaration émanant d'un nommé Jean-Louis Sadoul, exploitant agricole à la ferme de la Rosette, il s'agit du dernier employeur de Morel; les renseignements n'apportent aucun éclairage nouveau sur l'affaire; par contre, je m'attarde sur le dernier document, il est barré de deux traits obliques, une écriture manuelle identique à celle figurant le feuillet précédent  note: exemple type de la mythomanie et de la mégalomanie du sieur Morel. Je lis le contenu de cette dernière feuille : monsieur André Muller, entrepreneur de menuiserie et pompes funèbres déclare avoir reçu la visite de la victime le dimanche 17 octobre  vers vingt heures à son domicile... (il était particulièrement agité et voulait que je lui donne un catalogue concernant les monuments funéraires, je lui ai répondu qu'il lui fallait passer à notre bureau situé en ville, et ce aux heures d'ouverture...il était mécontent de ma réponse, a crié qu'il irai voir ailleurs et que sa mère aurait le plus beau caveau du cimetière... vous allez avoir une sacrée surprise a-t'il ajouté en claquant la porte). L’annotation manuscrite est dans l’esprit de ce que m’a déclaré l’aubergiste, Bébert parlait une fois par an de cet aménagement funéraire, le jour anniversaire de la mort de sa mère.

Lors de ma prochaine visite à Montclair, j'essayerai tout de même de voir  ces  personnes.



19/04/2012
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