Le rocher du diable
Je venais de recevoir un coup de fil de Véronique Léonardin, elle m’appelait depuis l’aéroport d’Orly.
- Un détail que j’ai oublié de vous signaler mais qui peut-être a de l’importance, le portefeuille de papa n’a jamais été retrouvé, il n’était pas sur lui, ni dans les bagages que j’avais récupérés, ni dans la chambre qu’il occupait, les recherches dans le périmètre de la chute n’ont rien donné, il serait bon de rencontrer les gendarmes et leur demander des explications à ce sujet.
Toujours aussi autoritaire l’hôtesse de l’air.
L’adjudant Marchaux est nettement plus aimable au téléphone que lors de notre première entrevue.
- Affirmatif, ce portefeuille était introuvable mais il est possible qu’il se soit échappé de la poche durant la chute et qu’un habitant de la rue de la Carrière l’ai trouvé sans oser l’avouer, mais si vous revenez prochainement à Balermont, rendez-moi une petite visite, nous parlerons de cela et d’autres choses... pourriez-vous être à la brigade demain vers quatorze heures, je suis au repos et nous pourrons bavarder sans être dérangés ?
J’ai décodé le message, le téléphone est peu propice à certaines confidences et cette invitation est précise.
Je suis légèrement en retard, un accident bénin sur l’autoroute, un automobiliste qui voit trop tard sa bretelle de sortie, qui prend le risque de reculer de quelques mètres sur la bande d’urgence. L’imprudent fait une fausse manœuvre, le véhicule glisse et se retrouve dans le fossé, pas de quoi déplacer les foules et pourtant, un véritable déploiement de force, police, ambulance, pompiers avec en supplément les usagers curieux qui ralentissent pour essayer de voir la scène, résultat un énorme bouchon avec le risque d’un accident plus sérieux.
- Ce que je vous disais concernant les parents d’un désespéré c’est vrai, la jeune femme charmante m’aurait presque convaincu que son père ne s’est pas suicidé, ses arguments semblaient valables, que voulez-vous, je me suis contenté de faire mon travail comme d’habitude, mon commandant de compagnie prend ses responsabilités, c’est lui qui décide, je ne suis qu’un exécutant... Je prends ma retraite dans moins de deux ans et je détesterais finir sur une fausse note.
Le militaire vêtu d’un jogging un peu juste pour sa corpulence maltraite un pauvre trombone innocent, le transforme en carré, en losange et finalement le casse en plusieurs morceaux, je laisse venir les confidences.
- J’aimerais que ce que je vais vous dire reste entre nous...plusieurs points sont obscurs dans cette chute, vous parliez du portefeuille, nous l’avons cherché en vain, les riverains ont fouillé leur jardin situé à l’aplomb du point de chute et bien au-delà sans succès, ce sont des gens honnêtes, m’étonnerait qu’ils conservent un tel objet... je voulais vous dire...une guichetière de la Poste nous a déclaré que monsieur Léonardin était venu retirer de l’argent sur un livret d’épargne, cinq mille francs en billets de cinq cents... cela s’est passé environ une heure avant la chute fatale, elle nous a affirmé qu’il avait glissé les billets dans son portefeuille.
- Et ce témoignage est tombé longtemps après la chute de l’ingénieur.
Un deuxième trombone qui passait malencontreusement par le bureau subi le même sort que son prédécesseur mais dans un délai plus court.
- Non... le lendemain... seulement j’étais de repos et j’allais partir en vacances ...j’ai oublié de relater ce témoignage.
- Vous avez contrôlé les dires de la guichetière ?
- Même pas, maintenant c’est un peu tard, cela ne ferait pas sérieux, peut-être la fille de la victime pourrait le faire, en consultant les extraits des chèques postaux, vous avez des contacts avec elle je suppose?
- Et vous me chargez de cette mission.
- Si vous êtes d’accord, je vous revaudrai ça.
- Et si monsieur Léonardin avait été tué pour cinq mille francs ?
- C’est exactement à quoi je pense, un voyou qui était au bureau de Poste en même temps que la victime, qui l’aurait suivie sur la colline, l’aurait assommée, dépouillée et balancée dans le vide.
- Et parmi vos relations... d’affaires, voyez-vous un individu capable de commettre un tel méfait ?
- Plusieurs, surtout dans le milieu des jeunes drogués, nous en avons quelques uns aussi, l’épidémie gagne les campagnes, nous allons nous en occuper, en général ces pauvres gars sont assez bavards, surtout si nous les gardons au frais quelques heures et qu’ils sont en manque.
- La voiture de la victime était garée aux environs du plateau ?
- Bonne question, effectivement, elle était stationnée sur le petit parking qui se trouve avant le dernier raidillon, généralement, les visiteurs du site rangent leur véhicule à cet endroit et font le reste du chemin à pied, nous avons fouillé la voiture pour retrouver le portefeuille, en vain.
- La clé du véhicule était en place ?
- Vous ne ratez rien vous...non, dans la poche de la victime...encore une bizarrerie, le portefeuille disparu, pourquoi pas la clé.
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