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Le rocher du diable

- Alors vous avez l’intention de peindre aussi, le coin vous inspire ?

J’étais revenu près du véhicule, Alain semblait impatient de quitter l’endroit.

- Les rapports entre votre patronne et Hubert Fontan sont réellement tendus ?

Alain esquisse un léger mouvement d’humeur, c’est pourtant lui qui a déclenché les hostilités, sa question énoncée sur un ton moqueur m’a déplu.

- Que voulez-vous dire ?

- Il paraît que la guéguerre est un peu folklorique, que c’est une sorte de jeu entre deux personnages aussi vindicatifs l’un que l’autre.

- Des ragots de bistrot...

Je me tais, le jeune homme tourne la tête et donne un coup de pied rageur dans une taupinière.

- Une sorte de jeu ? vous l’avez dit, un drôle de jeu...et dont je suis souvent la principale  victime, six ans que je travaille au domaine, j’aime mon métier, j’adore les chevaux mais il est vrai que le caractère de la patronne est parfois difficile à supporter… et son comportement...

Je sens que le bras droit d’Albertine a envie d’aller plus loin dans les confidences.

- Cette perpétuelle lutte entre deux êtres qui se ressemblent est celle de deux amants terribles...qu’ils doivent être épisodiquement, surtout ne dites à personne ce que je vous confie, je tiens à ma place.

- Qu’ils doivent être ? épisodiquement ? curieux cette association.

- Bon...je vais dire qu’ils sont réellement amants mais je maintiens épisodiquement. Vous avez vu la réaction  d’Albertine quand j’ai découvert les pneus crevés, son exaltation, cette grosse farce était une sorte d’appel, c’est ainsi qu’Hubert la prévient de son envie de la voir, le contraire existe aussi, ils ont besoin de ces simagrées pour se sublimer... deux cinglés je vous dis.

- Il avait mis le paquet ce jour-là, c’était urgent.

- Le pont ? ce n’était pas lui mais plutôt cet abruti de Maurice Lecouvreur, le frère d’Océane, quand il a une cuite, il ne connaît plus les limites de la ferme des Epinaies et dans ce cas c’était plutôt une erreur, un accident.

 Curieusement, les révélations d’Alain ne me surprennent pas vraiment, je sentais que de nombreux mensonges  entourent la mort de Léonardin, particulièrement émanant de la jolie bouche d’Albertine.

 

- Il était sujet à des maux de tête, des douleurs cervicales surtout, il disait que c’était peut-être des séquelles de sa première chute... de l’Efferalgan ? il en avait une boîte entamée dans son armoire de toilette à Courbevoie et une autre dans la valise que j’ai récupérée.

Véronique a reçu mon message, elle a tort de vouloir changer le disque du répondeur, sa voix est calquée sur celles de ses collègues, les demoiselles qui annoncent si agréablement les retards des avions.

- Cette histoire de terrain est curieuse mais papa était ainsi, il allait souvent au devant des désirs... sachant que la patronne du centre équestre lorgnait sur cette parcelle, il était en effet capable de l’acheter pour lui offrir.

- D’autant plus qu’ils avaient repris contact depuis deux ans.

- Qui vous a raconté cela ?

- Albertine elle-même.

- Papa était très secret, sincèrement je l’ignorais, dans ce cas, effectivement, il pouvait vouloir lui faire un cadeau.

Je garde l’autre solution pour moi, si c’était à Océane qu’il voulait faire plaisir. Entre les deux femmes, je crois qu’aucun homme normalement constitué physiquement et moralement n’hésiterait entre l’agressivité et la douceur, la rudesse et la féminité...quoique, certains masos...

 

- Vous êtes un auxiliaire précieux, si vous êtes au chômage un jour, venez me voir, je pourrai vous pistonner pour rentrer chez nous.

Je venais de présenter ma trouvaille à Allarig.

- Pardonnez-moi mais l’uniforme m’étouffe, je l’ai subi durant des mois d’obligation et j’en ai gardé de mauvais souvenirs, non, j’irais plutôt frapper à la porte de la PJ.

- Mais nous avons des civils chez nous, enfin des militaires toujours en civil, vous m’avez compris...nos hommes n’ont rien découvert et vous oui...                                                                

- Il faisait gris quand ils sont allés sur place, j’ai eu la chance d’avoir un rayon de soleil au bon moment.                                                                                                                                        

 - Vous êtes trop conciliant, je le serai beaucoup moins, ce cachet devait être trouvé lors de la première inspection...  vous en déduisez que Léonardin a été tué au pied de votre rocher du diable...que vous arrive t-il ?

Je venais d’avoir une vision, celle de poteaux métalliques « Comme ceux qui maintiennent un grillage »

- Le piquet de fer, près du rocher existe une ancienne clôture et beaucoup de piquets en ferraille subsistent,  il faudrait voir si ce sont les mêmes.

Le capitaine sort du bureau et revient quelques minutes après.

- Vous avez un peu de temps, je vais avec les hommes sur place, je veux connaître aussi cet endroit extraordinaire, revenez d’ici une petite heure.

 

Mu par un instinct et surtout ayant du temps libre, je fais un tour dans le bourg et monte sur le plateau. Un bruit de moto résonne dans la partie boisée, je me poste à la sortie du chemin.

Mon signe est respecté, le motard stoppe son engin un peu plus loin et fait demi-tour.

Un peu réticent au début, dès que je me présente, le jeune homme se libère.

- Oui c’est moi qui ai parlé au gendarme la semaine dernière, le jour de la mort du Parisien, j’étais un peu plus haut, en panne, j’avais des problèmes de carburo,  j’ai bien entendu le bruit d’une bagnole.

- Le bruit d’une seule voiture ?

- D’une ? difficile à dire, deux peut-être mais une qui a tourné au ralenti pendant quelques minutes, et des voix d’hommes, mais impossible de comprendre ce qu’ils disaient.

- Vous êtes passé à côté du parking en montant et en descendant ?

- Celui de la mi-côte ? en montant oui mais pour redescendre je prends toujours un autre chemin, je passe par les éboulis, c’est plus marrant...c’est donc vous le journaliste de la Gazette ?

- Le bruit du moteur, celui d’un diesel ?

- Ca se peut.

- Les voix d’hommes, combien ?

- Au moins deux, difficile à dire.

- Vous êtes resté longtemps sur le plateau ?

- Je suis redescendu en roue libre jusqu’au garage, impossible de redémarrer.

- Vous  n’avez croisé personne ?

- Non, pourquoi, j’aurais dû ?

- Une voiture, celle du beau-frère d’Hubert Fontan.

- De Maurice ? non.

- Et une femme sur le plateau ?

- Personne... Vous avez vu le pauvre Jeannot.

- Monsieur Perrotot, oui...vous le  fréquentiez ?

- Je le voyais souvent, je suis copain avec Eric, son fils ...enfin le fils de Maria, c’était un brave type, Eric l’aimait bien, et dire qu’il y a des cons qui disaient que c’est mon pote qui l’aurait poussé dans la flotte, franchement.

- Je voulais les rencontrer mais ils ont refusé.

- Vous voulez que je m’en occupe ?

Je vais surtout m’occuper de ce motard, pourquoi  ment-il ? il vient de se contredire, si sa moto était en panne, il ne pouvait passer par les éboulis et, par le chemin habituel, il ne pouvait rater la voiture de Léonardin que les gendarmes ont retrouvée sur le parking.

 

- Vos piquets, identiques à celui qui a servit au meurtre,  seulement figurez-vous qu’à l’entrée de Balermont, nous avons  encore vu des piquets de fer, aussi rouillés et ayant les mêmes caractéristiques, les mêmes encoches aux mêmes endroits, ce doit être un modèle courant ici, nous ne sommes pas plus avancés.

- Vous en avez rapporté un ?

- Deux, un provenant de votre rocher et un autre ramassé à Balermont, je vais les confier au labo, ces sorciers vont peut-être les faire parler...agréable le site, j’ai pris de grands risques, avec mon genou en compote, je suis monté en haut du fameux rocher mais malheureusement, je n’ai pas aperçu votre diablesse...nous ne vous avons pas fait attendre trop longtemps ?

- J’ai rencontré le jeune Sylvain sur le plateau.

Marchaux confirme qu’aussitôt après la chute, il a envoyé deux de ses hommes sur le haut de la falaise

 - Le véhicule de l’ingénieur était bien sur le parking, le moteur était tiède, mes gars ont estimé qu’il était là depuis environ un quart d’heure, je vais reprendre l’interrogatoire de ce jeune, ou il est se trompe d’heure ou il nous mène en bateau. 

- Il vous a dit que le bruit du moteur s’apparentait à celui d’un diesel ?

- Oui, mais à Balermont et dans ses environs, plus de la moitié des V.L. sont des diesels, ce n’est pas un critère sélectif.

 

 

 



11/09/2011
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