Le grand verger (suite)
Je pleure de rage, pour quelles raisons obscures grand-père n'a jamais dévoilé cette missive? J'aurais vécu ces dernières années différemment, et l'autre Suisse qui vient nous raconter des sornettes.
Je n'ai pas entendu la porte s'ouvrir, c'est Béa.
- Je viens de croiser papa dans la cour, il sortait d'ici, il est furax... il t'a giflé cette grosse brute, tu as une belle marque, les cinq doigts, pour quelle raison ?
-Pour une histoire de bague.
Béatrice mouille ma joue de ses lèvres humides.
- Raconte Olivier...une bague?... volatilisée? Un diamant? Où se cache un tel trésor?
- Je me le demande, un sacré travail pour chercher dans ce fourbi.
- Cela en vaut la peine, aujourd'hui je suis trop prise, demain matin nous attaquons la fouille...cette lettre?... curieux que grand-père ait occulté ce témoignage, il pouvait faire taire les rumeurs calomnieuses, incompréhensible, ton avis?
- Il avait peut-être oublié cette lettre, elle était encore dans son enveloppe.
- C'est cela, il ne l'a jamais lue...un bijou de grande valeur dis-tu? Un magnifique diamant dont je rêve depuis longtemps.
Pour ma cousine, la lettre devient secondaire, moi, je me contrefiche de ce caillou, fut-il de grande valeur.
- Papa nous avait caché son existence, maman l'ignore je suppose, sinon elle m'en aurait parlé.
- Ton père voulait lui offrir, pour leurs trente ans de mariage.
-Tu plaisantes, il ne souhaite aucune fête et anniversaire, il n'a pas la mémoire des dates, et puis il est tellement radin.
Je reviens à la lettre et à son contenu.
-Alors, pourquoi ce silence, dis-moi Béa ?
- Connaissant grand-père, il n'a pas voulu mettre cette preuve en avant, considérant qu'elle n'était pas irréfutable, voilà la raison de ce silence, et puis pour t'empêcher de te glorifier d'un fait d'arme ne te concernant pas directement...en attendant, tu peux communiquer l'adresse de ce colonel à la vieille dame en robe blanche que tu dévorais des yeux, j'étais gênée pour toi.
- Serais-tu jalouse ma cousine ?
- Alors là jeune coq prétentieux, je donnerais peu cher de ta crête, cette femme côtoie les grands de ce monde, les vedettes de cinéma, les rois de la finance et de la politique, ce n'est pas un jeune faux nobliau de province qui pourrait la séduire.
- Elle a hébergé un ami de papa une douzaine d'années, elle a même partagé son lit avec cet inconnu amnésique.
- Un amnésique, l'homme idéal, sans un seul souvenir, qui ne peut faire aucune comparaison, qui ne connaît que le présent, un bébé en quelque sorte.
Béatrice aime le mot bébé, elle l'emploie souvent, elle doit souffrir de ne pouvoir avoir un enfant bien à elle, qu'elle aurait porté dans son petit ventre, qui lui aurait donné une poitrine plus ronde. Je comprends sa peine, je ne peux remédier à cette frustration. Quand je pense que son père a osé dire que j'étais content de cette situation, que l'absence d'un petit-cousin ou d'une petite-cousine était une bénédiction pour moi, que je n'aurais pas à partager le gâteau.
- Je vais communiquer l'adresse du colonel à madame Dalcroze.
- Ou à son avocat, demande à ta mère, elle a l'adresse et même le numéro de téléphone de ce monsieur...
- Channaz! ...et alors, c'est défendu?
- Non, elle est veuve, elle fait ce qu'elle veut, elle ne trompera personne.
- A la différence de certaines femmes mariées.
- Ah bon! Tu en connais? Si la grande dame t'invite dans sa superbe villa, tu m'emmènes, j'ai envie de voir le lac Leman, depuis les bancs de la petite école, depuis que j'ai appris son existence, je rêve de le voir, Genève, le jet d'eau…
Les allusions concernant maman me perturbent, effectivement, elle faisait les yeux doux au Suisse, elle s'était vêtue et maquillée pour lui, c'est évident...je fais le rapprochement entre son dernier comportement et celui qu'elle adoptait lors de ses visites à mon collège, qui voulait-elle séduire à cette époque ?
- Qu'est-ce?
- Tu le vois, un bout de ruban rose.
- Souvenir d'un amour enfantin ?
- Possible mais pas le mien, cette relique se trouvait au fond du tiroir, c'est ton cher papa qui l'a découverte.
- Cela ressemble à un ruban de chapeau.
- Si tu le dis, je vais conserver précieusement cette relique chargée de mystère.
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