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Le rocher du diable

- Laurent, un nouvel accident  mortel à Balermont.

- Une chute depuis la falaise ?

- Non, notre correspondant  vient de nous avertir, un pêcheur aurait glissé dans la rivière, il est mort.

Habituellement, Yves traite lui-même ce genre de faits-divers.

- Et ce pêcheur se nomme Jean Perrotot.

- Dans le mille, peut-être aucun rapport avec l'affaire que tu suis mais je sais que tu avais rencontré ce monsieur à plusieurs reprises, j'attends le rapport de la gendarmerie et je te le faxe aussitôt, à moins que tu désires venir sur place ?

Aucune précipitation, si la mort du pêcheur est accidentelle, mon intervention déplairait à mes chefs, je n'ai le droit de me déplacer que dans les cas extrêmes ou sur injonction. Le rappel à l'ordre reçu pour un cas similaire le mois dernier est encore tout neuf dans ma mémoire.

- Laurent, si tu sautes à pieds joints sur la moindre broutille, tu n'auras plus assez de temps de traiter les bons sujets.

Les bons sujets étant généralement les pires, ceux qui choquent, qui mettent en exergue  les plus gros défauts de l'humanité et qui malheureusement connaissent la meilleure audience.

 

Le coup de fil de l'adjudant Marchaux arrive avant le fax de l'agence, le militaire tient ses promesses.

- Cette chute dans la rivière est louche, d'autant plus que ce Jeannôt était connu pour être un excellent nageur, une ecchymose sur l'occiput proviendrait soit d'un heurt avec une grosse pierre consécutif à la chute, soit d'un coup. Le capitaine Allarig est attendu, je lui ai parlé de vous, de la découverte du portefeuille,  il accepterait de vous écouter.

Je m'en veux, j'aurais dû insister en interviewant l'ancien comptable, si il a été occis volontairement, c'est qu'il savait autre chose que les banalités qu'il m'a lâchées, je suis de plus en plus convaincu qu'il était l'auteur de l'étrange message et que sa devinette renferme la clé de l'énigme.

 

Un véhicule aux plaques de la gendarmerie est garé face à la porte d'entrée, à l'endroit normalement interdit,  l'officier est déjà arrivé.

- Toujours pressé de répandre les bonnes nouvelles monsieur Passy, remarquez il y a mieux que vous...dans le mauvais sens.

J'avais déjà rencontré le capitaine Allarig mais immanquablement surmonté de son képi, l'air martial, plutôt antipathique. Son crâne un peu dégarni lui donne une allure plus débonnaire, sa position assise accentue la bonne impression.

- Votre curiosité naturelle nous dirige vers une autre conclusion que celle que nous allions retenir.

- Concernant le pêcheur ou monsieur Léonardin ?

- Les deux,  la découverte du  portefeuille de l'ingénieur bien loin du point de chute, et le fait que Perrotot avait rencontré la victime deux jours avant l'accident mortel...l'adjudant Marchaux est en mission du côté du fameux rocher du diable, avec un homme de la brigade de recherches, j'ai décidé de ne pas les  accompagner, il paraît que l'approche des lieux est malaisé, j'ai quelques problèmes de genou...j'ai voulu faire le malin avec mes neveux, leur montrer que je savais encore taper dans un ballon, résultat... Par contre je suis tout de même passé par la rivière, il fallait être particulièrement maladroit pour plonger dans l'eau à l'endroit de la chute...ou complètement ivre ; la victime était un habitué du secteur et  avait la réputation d'un homme sobre.

- Des indices un peu faibles pour soupçonner un meurtre mais, sans le précédent Léonardin, la thèse de l'accident aurait été entérinée.

- Tout de suite les extrapolations, les conclusions hâtives, c'est terminé  chez nous ; je vais vous faire une confidence, plusieurs affaires apparemment classées font encore l'objet d'enquêtes discrètes, vous allez probablement avoir du travail d'ici peu... mais revenons à l'actualité, que vous avait raconté le brave pêcheur ?

- Votre aimable invitation équivaut tout bonnement à la convocation d'un témoin, fallait le dire tout de suite.

Le petit sourire de l'officier confirmait mon impression.

- Où en êtes-vous de vos investigations extra-policières? le plongeon du haut de la falaise et celui du haut de l'échafaudage, des points communs ?

- Hormis le fait que les deux chutes se sont effectuées de haut en bas, rien de précis.

- ...D'après les rumeurs, une femme serait au centre de cette épidémie de faux suicides, c'est Marchaux qui le pense?

- Si c'est lui.

- Votre visite à la directrice du centre équestre, simple visite de courtoisie ?

- C'est à peu près cela.

- Je vois, vous voulez garder certaines informations pour vous, attention monsieur Passy, je déteste ce genre d'attitude.

- En admettant que la jalousie soit le motif du premier crime, et pour le second ?

- Conséquence du premier, Perrotot avait recueilli quelques confidences de Léonardin, plausible non ?

- Déduction, Albertine Dubuisson serait cette femme fatale.

- Elle ou sa voisine, madame Fontan.

- Océane ?

- Vous êtes intime ?

J'avais caché les circonstances de la découverte du portefeuille, je dévoilais les détails de la scène.

- C'est une telle sauvageonne ?..la campagne recèle des trésors, une amazone et une sylphide, finalement, je crois que j'aurais dû accompagner Marchaux dans la nature.

Le militaire vient de se propulser du côté de la ferme des Barrettes et de celle des Epinaies en même temps que moi, depuis ma rencontre avec Albertine et la vision fugitive d'Océane, j'ai une envie folle de retourner vers le rocher du diable, une sorte d'attirance métapsychique impossible à expliquer.

 

Marchaux et ses hommes viennent de rentrer ; Allarig me demande de patienter, il est absent un court instant.

- Ils n'ont trouvé aucun indice, c'est tout pour aujourd'hui en ce qui  concerne notre collaboration, si les examens actuellement en cours sur le corps de Perrotot nous apportent quelques renseignements intéressants et si je juge utile de vous les confier, je vous informe par l'intermédiaire de Marchaux, en attendant j'ose espérer que vous ferez preuve de discrétion, dans vos papiers, et... sur le terrain.

Je m'attendais à cette recommandation, je sais où se trouve les limites de mes attributions, je sais aussi qu'elles sont plus loin que le voudraient les enquêteurs, que ce soit les policiers ou les gendarmes.

Alors que je montais dans ma voiture, un jeune gendarme venait vers moi.

- L'adjudant m'a chargé d'un message pour vous, le maire de Balermont aimerait vous rencontrer, le plus vite possible.



30/08/2011
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