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Mon premier article concernant Mauzieux dans lequel je parle de la légende de la source et de la malédiction supposée ne suscitent que très peu de réactions, je reçois tout de même trois lettres, deux lecteurs ne résidant plus à Mauzieux, heureux de retrouver une partie de leur enfance, me félicitent pour mon objectivité. La troisième missive est injurieuse, anonyme bien entendu, sortant d’une imprimante moderne donc impossible à identifier. Elle a été postée à Serville, le texte est court mais explicite, je suis, entres autres compliments, traité d’imbécile dans des termes choisis. Ce qui me dérange le plus, c’est que ce correspondant ose mettre ma virilité en doute, il me conseille de boire plusieurs litres d’eau de la Fontaine-aux-Chênes réputée aphrodisiaque. Mon collègue Daniel, que je mets dans la confidence m’assure que de tels écrits ne peuvent être rédigés que par une femme.

- Cherche bien, tu es resté indifférent à des signaux précis, la dame ou la demoiselle n’a pas supporté.

Isabelle Lemarquis ? possible mais ses signaux devaient être discrets...quelques sourires que j’ai pris pour de la sympathie, des regards appuyés que j’ai pris pour de la curiosité. Si c’est la veuve de l’ébéniste, elle vient de faire avorter une éventuelle aventure, j’ai ma dignité...et si je lui prouvais que je ne suis pas celui qu’elle décrit ?

J’oublie rapidement la bafouille merdique, monsieur Magien vient m’en montrer une autre plus sympa, cette fois il s’est déplacé, l’ascenseur fonctionne à nouveau.

- Une surprise, une bonne surprise, grâce à nos récits concernant Mauzieux, je viens de retrouver la trace d’un cousin, nous avions un grand-père commun, le fils du charbonnier, ce parent  était en Nouvelle-Calédonie et vient de revenir la France pour y vivre sa retraite, il envisage même de s’installer dans les environs.

A voir le visage réjoui de mon patron, j’oublie ma correspondante antipathique.

Je reprends la route de la vallée isolée, sans but véritable, toutefois, j’envisage de surprendre Isabelle chez elle, j’aimerais aussi revoir les frères Galley, et puis Bob ou Secundo.

Je passe par Serville et sa gendarmerie, cette bourgade connaît une série de cambriolages nocturnes et sauvages; commerçants, artisans, clubs divers sont visités par une équipe composée probablement de jeunes, les cibles sont mal choisies, les rapports sont minces, par contre les dégâts sont importants.

- Nous connaissons la clique, seulement, même pris en flagrant délit, le juge leur accorde l’absolution sans confession. Ces sales morveux  jurent qu’ils ne recommenceront plus, que c’était par jeu, ce sont des roublards. Je crains la réaction des visités, souvenez-vous à Montcy, le  gamin flingué par un pharmacien...et votre enquête dans ce bled de cabochards ? C’est pour le folklore ou vous nous préparez un joli coup ? Attention, n’outrepassez pas vos droits et ne soyez pas personnel, si vous soulevez un lièvre, nous aimerions participer à la chasse.

Je tranquillise l’adjudant, en aucun cas, je vais me substituer aux gendarmes, d’ailleurs je confie mes premières réflexions.

- Mes hommes et en particulier ceux qui sont en place depuis plusieurs années connaissent la mentalité particulière de Mauzieux, ces gens vivent un peu en vase clos, inventent des histoires à dormir debout...justement, nous avons reçu une lettre anonyme, postée ici mais émanant d’un citoyen du bourg voisin sans aucun doute, d’après le prosateur, André Lemarquis s’est suicidé et il avait de bonnes raisons d’en finir avec la vie.

- Une lettre manuscrite ?

- Non, tapée à la machine,  imprimée plutôt, terminé le temps des défauts de frappe qui pouvaient confondre les corbeaux, ces machines ont une impression régulière, les encres sont en boîte, reste le papier et son odeur éventuelle, mon adjoint qui a un bon nez affirme que la feuille a été manipulée par une femme qui venait de mettre du vernis à ongle.

- Cela vous donne déjà un indice.

- Jeune et belle, bien envie de mener une enquête.

- Et vous pensiez également au suicide ?

- Effectivement, la position du corps, l’emplacement aussi, venir mourir dans les parages de la fontaine.

- Pourquoi ?

- Vous ne savez pas tout alors, sachez que les amoureux se retrouvent souvent près de cette source miraculeuse, quand l’ébéniste était jeune, il fréquentait cet endroit où il retrouvait sa future épouse, la veuve éplorée nous l’a avoué lors...

Un coup de téléphone interrompt la conversation, l’adjudant Bertrand prend des notes et remercie son interlocuteur.

- Tout de même, c’est beau le progrès, j’avais confié la lettre anonyme à nos services spécialisés, ils sont capables de nous donner la marque de l’imprimante, une H.P., vous connaissez ?

- Oui, Hewlett Packard, nous en avons plusieurs au journal.

- C’était uniquement par curiosité, nous n’allons pas faire de perquisitions dans les bureaux de Mauzieux pour retrouver cette machine.

- Et vous risquez d’en rencontrer plus d’une, c’est une marque réputée.

Bonne idée qu’a eu mon correspondant ou ma correspondante d’envoyer également une lettre à la gendarmerie, car je suis persuadé que l’origine des deux missives est la même, les corbeaux équipés de matériel informatique ne nichent pas partout.

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